L’Enfant des trois soleils de Corinne David-Deunailles

Les lumières de Bogota, Izmir et Paris

L'Enfant des trois soleils de Corinne David-Deunailles

Notre amie Corinne Denailles publie, sous son nom intégral de Corinne David-Deunailles, un récit très personnel, L’Enfant des trois soleils, aux allures d’embardée loin de son domaine de prédilection, le théâtre (nos lecteurs suivent depuis longtemps ses critiques sur notre site dont elle pilote précisément la rubrique théâtrale). En effet, le cœur de l’ouvrage se concentre sur le thème de l’adoption d’un enfant. Mais l’on est quand même dans un contexte théâtral au premier chapitre puisque l’autrice a choisi de faire débuter son récit dans une rue d’Avignon. Elle s’y décrit marchant dans la ville des Papes en 2007, à l’issue d’une représentation du festival - elle vient de voir Le Roi Lear. Son téléphone sonne : c’est son fils Tomás qui l’appelle de Bogotá et lui dit : « Allo, maman ? j’ai rencontré ma mère ».
Surprenante déclaration. Mais on a compris : ainsi parle un jeune homme qui appelle sa mère adoptive après avoir retrouvé sa mère biologique. Tomás, gamin colombien de quelques mois, a été adopté en 1986 par Corinne et son mari, le compositeur David Jisse. La greffe a bien pris, l’enfant a été heureux. Mais, à 22 ans, Tomás a senti le besoin impératif de connaître ses géniteurs. Comme il est né en Colombie, le voilà à Bogotá et dans les environs. Sa quête, bien que préparée, ne se déroule pas sans mal. Son père se cache (c’est un prêtre qui ne tient pas à ce qu’on sorte de l’oubli cette vieille incartade ! ). Il retrouve sa mère qui l’avait confié, sous la pression de sa propre mère, à une institution sociale. Heureusement bien des gens de bonne volonté gravitent autour des personnes concernées. Si des hostilités instinctives demeurent (celle d’un frère de Tomás surtout), la muraille hostile s’effrite. Finalement bien accueilli par le clan, l’ex-enfant abandonné renoue avec le cercle de ses origines et reconstitue une bonne partie des pièces manquantes de son puzzle intime. Il retournera voir ses proches, trois ans plus tard avec sa mère adoptive.
Le livre de Corinne Deunailles s’articule en cercles concentriques. Par moments, il laisse la parole à David, son mari, aux amis colombiens qui ont eu un rôle décisif sur place, à Jane, la sœur de Tomás, fille biologique de Corinne et David.
Mais il ne s’agit pas seulement d’un témoignage, qui intéressera tous ceux qui envisagent d’adopter un enfant. Pour ce lectorat, le livre est un excellent document, d’une grande authenticité. Mais le titre L’Enfant des trois soleils indique bien que l’on ne se tient pas là à ce seul aspect. Le premier soleil est celui de la Colombie où Tomás a vu le jour. Le second est celui de sa famille d’adoption : un soleil européen et non plus sud-américain. Et le troisième ? C’est la lumière, la chaleur qu’apporte le père de Corinne, un grand-père sépharade qui a vécu en Turquie avant de gagner la France. Ce troisième soleil est donc oriental. Tomás a longtemps bénéficié de l’affection de ce grand-père et, après ses voyages en Colombie, partira avec Corinne à Izmir sur les traces de cet « exilé juif levantin » qui lui a donné tant d’amour.
La préface d’Hubert Haddad n’est pas là, bien sûr, par hasard. « Nous sommes tous un peu les adoptés de mondes inconnus », écrit le romancier. C’est là le sens de ce livre où, dans les derniers chapitres, Corinne David-Deunailles dévoile les fils entremêlés qui la composent elle aussi (« judéo-turco-espagnol » d’une part, « christiano-savoyard » de l’autre) et met en valeur le bienfait des métissages culturels. Des différences et des points communs qui la définissent, elle et sa planète familiale, elle dit : « Nos parcours atypiques nous ont incités à cultiver, à creuser les notions d’identité, de mixité, de tolérance, à repousser toute tentation simplificatrice. Nous nous sommes mis en route ». On se doute qu’au terme de tant de chocs personnels et conceptuels, si bien contés, pour la tolérance son cœur balance. Le livre également balance bien sur les courants contraires et mène finement le lecteur vers la compréhension la plus aimante qui soit. Peu importe que l’autrice en oublie de nous en dire davantage sur Le Roi Lear à Avignon en 2007 ! Tomás l’adopté nous emmène là où il faut avoir les yeux grand ouverts aujourd’hui.

L’Enfant des trois soleils de Corinne David-Deunailles, préface d’Hubert Haddad. Editions Rivière Rouge, 144 pages, 15 euros. En couverture : L’Océan, 25-5-07, de Jérôme Bost, droits réservés.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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