Femmes Persanes - Cabaret de l’exil - Nouvelle création du Théâtre équestre Zingaro, par Bartabas.

Une invitation au voyage, un regard sur des femmes persanes libres.

Femmes Persanes - Cabaret de l'exil - Nouvelle création du Théâtre équestre Zingaro, par Bartabas.

Pour le troisième volet du « Cabaret de l’exil », Bartabas rend hommage aux Femmes Persanes. Qu’elles soient afghanes ou iraniennes, elles sont aussi des artistes en exil. Résistantes et révoltées, elles revendiquent leur identité et convoquent la mémoire ancestrale ; celle de l’antique civilisation scythe fondée sur le matriarcat.

  Oui, il fut un temps, où chantaient les poétesses le visage toujours découvert, un temps, où l’on louait le talent des maîtres de musique au féminin., écrit Bartabas, le maître d’oeuvre.

Chez ce peuple nomade le cheval fut à l’origine de la remarquable égalité entre les genres : chevaucher de longues distances et encourager sa monture au combat fut l’apanage des femmes autant que des hommes, il en était de même pour la pratique des arts.

Bartabas invite pour l’occasion des artistes iraniennes - musiciennes, chanteuses et danseuses - à se joindre à sa tribu mi-femmes mi-chevaux, à ses assemblées d’oies et d’oiseaux à plumes spectaculaires et à faire entendre, par la voix de poétesses célèbres ou anonymes, le chant d’une Persane affranchie de ses attributs mystiques et revendiquant son droit à la passion amoureuse.

Une invitation au voyage dans l’espace et le temps et la communauté de l’humanité. Citons encore Bartabas, écuyer d’exception, chorégraphe, metteur en scène, scénographe, auteur et réalisateur : « Avec la tribu Zingaro, il me plaît de bâtir des spectacles de contrebande où la pensée se glisse par effraction et sème le trouble dans la conscience émerveillée du spectateur. »

- Oui, il fut un temps où, sans être hantées par l’au-delà, la femme s’avançait debout sur sa monture pour éprouver la beauté du monde et clamer les joies de la passion amoureuse.

Les musiciennes, installées sur leur balcon en majesté, livrent leurs musiques et leurs chants envoûtants : chant et kamantcheh de Firoozeh Raeesdanaee, setar, shourangiz et daf de Shadi Fathi, santûr de Farnaz Modarresifar, tombak de Niloufar Mosheni, toutes inspirées et virtuoses de leur instrument. La sêtar est un luth à manche long, héritage millénaire de la musique classique persane, avec la présence des instruments à cordes traditionnels, le shourangiz ou le târ, les percussions digitales tels le zarb ou le daf encore, le santour, compositions de sons et résonances, percussivité instrumentale et vocale, le tombak, le kamancheh, le chant classique persan…

La scène - piste ronde de cirque - est un miroir d’eau étincelant sous les petites lanternes à bougie vacillante, installées çà et là dans la nuit, telle une marée aquatique qui monte jusqu’aux pieds - hommes et animaux. La grande flaque d’eau est de couleur rougeoyante ou de cuivre, peut-être la coloration des sables des régions désertiques afghanes ou iraniennes que parcourent chameaux, chevaux et ânes, peut-être la métaphore du sang des victimes de ces Etat totalitaires mortifères.

Des chaises de classe enfantine renversées jonchent la surface d’eau - rappel de l’interdiction des petites filles à aller à l’école. L’interprète de l’une d’elles monte sur une chaise, à hauteur de tous les ânes qui l’entourent, à niveau terrestre, tandis qu’au niveau céleste, se tient dans les hauteurs un homme/äne fildefériste observateur d’un monde où les ânes sont rois ; et ceux-ci clôturent le spectacle - rangée d’ânes numérotés qui portent leur mollah avec turban et petites lunettes de faux penseurs.

Entretemps, les femmes auront joué leur partition somptueuse d’émancipation existentielle - écuyères avérées auxquelles on ne peut donner de leçon quelle qu’elle soit. Elles signifient leur liberté : derviche tourneuse, danseuse aérienne suspendue par ses cheveux tenus en chignon, lutte féminine physique à terre, de belle dignité, cavalières émérites aux longs cheveux qui s’envolent, gracieuses et célestes sur leur monture, tandis que résonnent dans l’espace l’écriture, entre autres, des poétesses afghanes Sedâ Soltâni et Zahrâ Moussavi : « Me voici/ Je suis moi/ Je suis femme/ Je suis monde/ Et sur mes lèvres passe/ Le chant de l’aube blanche… »

Humour, dérision, moquerie tranquille, ces femmes défendent leur être - corps et esprit -, clairvoyantes et sereines, dans un bouquet d’images mêlées - paysannes et paysans nomades avec âne et ustensiles du quotidien accumulés - casseroles…-, une reconnaissance existentielle.

Cabaret de l’exil - Femmes Persanes, nouvelle création du Théâtre équestre Zingaro, scénographie, conception et mise en scène Bartabas, assistante Emmanuelle Santini. Musiciennes : chant et Kamantcheh Firoozeh Raeesdanaee, Setar, Shourangiz et Daf Shadi Fathi, Santûr Farnaz Modarresifar, Tombak Niloufar Mosheni, création sonore, percussions Catherine Pavet. Artistes : Bartabas, Amandine Calsat, Sahara Dehghan (danseuse), Stéphane Drouard (fildefériste), Marion Duterte, Johanna Houé, Camille Kaczmarek, Perrine Mechekour, Alice Pagnot, Tatiana Romanoff, Emmanuelle Santini, Alice Seghier, Eva Szwarcer (capillotraction). Du 20 octobre au 31 décembre 2023, mardi, mercredi, vendredi, samedi à 19h30, dimanche à 17h30, relâche lundi et jeudi, au Fort d’Aubervilliers - Théâtre équestre Zingaro, au Fort d’Aubervilliers, 176 avenue Jean Jaurès 93 300- Aubervilliers. Tél : 01 48 39 54 17, zingaro.fr
Crédit photo : Hugo Marty

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Véronique Hotte

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