Du 10 au 21 janvier 2024 au TGP Saint-Denis

Cosmos de Kevin Keiss par Maëlle Poésy.

Le voyage impossible dans l’espace pour des Américaines des années 1960

Cosmos de Kevin Keiss par Maëlle Poésy.

Cosmos s’inspire des sixties aux States : en pleine guerre froide, un programme clandestin « Mercury 13 » sélectionne des jeunes femmes pilotes d’avion pour participer à des tests éprouvant leur capacité - qui s’avère supérieure aux hommes - pour la conquête de l’espace. Un milieu très masculin que treize femmes bousculent. Maëlle Poésy et Kevin Keiss ont recueilli par ailleurs les propos privés d’astrophysiciennes, sur le cycle de vie, la mort des étoiles, les débuts de l’univers…

Ces novatrices vivent le rêve d’un temps - exploration, recherche, étude - le vol, la liberté et le dépassement des limites et de soi. Pouvoir et transcendance - on pourrait certes noter une réserve : ces femmes, tels les hommes, concourent et se battent pour la performance, le surpassement, la conquête, la démonstration virile et le témoignage qu’on est la « meilleure », depuis la ligne de vitesse et de puissance du départ jusqu’à l’arrivée, athlète propulsée à partir des starting-blocks.

La préparation sur scène de ces candidates aux tests psychologiques et physiques est chorégraphiée avec espièglerie et rigueur, conviction énergique et joie d’agir, soit de beaux moments vivants rythmés et incarnés pour les yeux éblouis du spectateur. Les parois des murs sont traversées, emblématiques de l’atmosphère et stratosphère percées jusqu’au noir cosmique.

Les actrices et artistes de cirque, lumineuses Caroline Arrouas, Dominique Joannon, Elphège Kongombe Yamale, Liza Lapert, Juliette Savary, en alternance avec Mathilde-Edith Mennetrier, incarnent les Mercury 13, défiant la loi de la gravité, jouant avec la liberté. L’invitation au voyage est philosophique, sensorielle et ludique - enthousiasme, rébellion et résistance au patriarcat.
Les interprètes incarnent à leur manière telle personnalité assumée ou telle autre avec son histoire propre - atouts et fragilités -, pleines d’humanité joliment quotidienne et de force altière de vie.

Les époques s’entrechoquent et se rejoignent dans la course à l’espace - des USA à l’URSS du siècle dernier jusqu’aux années immédiates - un constat d’opposition politique de deux blocs qui perdure…Mais l’intime et l’universel interrogent le désir de dépassement existentiel : « Qui peut rêver ? Comment les rêves défendus d’une génération sont les conditions des changements à venir ? Ces émancipées changent favorablement les perspectives de la Terre et de l’avenir.

Or, la sensation de la réalité de l’espace et du temps n’est pas la réalité - elle n’est que la nôtre. Le théâtre mêle le réalisme et la fantasmagorie, fait cohabiter morts et vivants, Et le spectateur observe Cosmos, dans la position des astronautes qui observent la Terre de très loin, conscients de sa fragilité et de celle du vivant - rareté absolue et trésor précieux qu’on se doit de protéger. Le théâtre démultiplie la capacité à voir, à saisir et à imaginer à travers tous les regards déployés.

« Et rose elle a vécu ce que vivent les roses, / L’espace d’un matin » (Malherbe, « Consolation à Monsieur du Périer ». L’espace serait-il une métaphore du temps ? Le temps se transforme en espace - une initiation mystique -, et nous avons besoin de durée vécue pour arpenter et découvrir l’espace, pour agir et pour connaître - pour être existentiellement - une vision philosophique.

L’art - théâtre et verbe, musique et danse, humour et distance - superpose à l’espace sensible vécu une infinité d’espaces imaginaires possibles avec leurs propres lois. Ces espaces fictifs, fugitifs, virtuels, troublent les relations de l’être contemporain avec son espace naturel inconnu.

La mise en scène de Maëlle Poésy s’amuse de ces perspectives vivantes, terriennes et aériennes, entre les sonorités d’Otis Redding, de Nina Simone et de La Callas, au-delà de l’oubli d’un monde terre-à-terre que l’écriture de Kevin Keiss pourrait exalter encore jusqu’à des hauteurs poétiques.

Cosmos de Kevin Keiss, en collaboration avec Maëlle Poésy, conception et mise en scène Maëlle Poésy. Avec Caroline Arrouas, Dominique Joannon, Elphège Kongombe Yamale, Liza Lapert, Juliette Savary en alternance avec Mathilde-Edith Mennetrier. Dramaturgie Kevin Keiss, chorégraphie Leïla Ka, scénographie Hélène Jourdan, lumière Mathilde Chamoux, son Samuel Favart-Mikcha, vidéo Quentin Vigier, costumes Camille Vallat. Du 10 au 21 janvier 2024, du lundi au vendredi à 20h, samedi à 18h, dimanche à 15h30, relâche le mardi au TGP - Centre dramatique national de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde 93200 Saint-Denis.
www.theatregerardphilipe.com / reservation@theatregerardphilipe.com Les 24 et 25 janvier 2024, L’Azimut – pôle national cirque en Île-de-France. Du 30 janvier au 3 février, ThéâtredelaCité – CDN Toulouse Occitanie. Du 13 au 16 février, Comédie de Saint-Étienne, centre dramatique national. Le 27 mars, Centre d’Art et de Culture de Meudon. Du 3 au 7 avril, Théâtre National de Strasbourg - TNS. Le 16 avril, Le Préau, Centre dramatique national de Normandie - Vire.
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez.

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Véronique Hotte

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