Paris-Studio théâtre de la Comédie-Française jusqu’au 8 novembre 2009

Cocteau-Marais de Jean Cocteau

La fête de l’intelligence

Cocteau-Marais de Jean Cocteau

Après la mort de Jean Cocteau, Jean Marais et Jean-Luc Tardieu piochèrent dans l’œuvre du poète pour composer un spectacle que l’acteur jouerait pour prolonger avec le disparu une complicité nouvelle à partir de textes le plus souvent centrés sur la biographie. Ils composèrent une sorte d’odyssée où Cocteau, ayant pris le Styx à rebours, traverse le miroir et vient parler de sa vie, de ses amis et combattre les clichés qu’on lui a infligés. Jean Marais joua le spectacle en 1983 et, malgré le titre qui semblait réserver la pièce à un seul interprète, il souhaita que cette partition personnelle fut reprise un jour par un autre. Aujourd’hui, c’est Jacques Sereys qui joue ce Cocteau-Marais, sous la direction de Jean-Luc Tardieu. Rien de commun entre les deux comédiens. Marais était solaire, Sereys est plus nocturne. Le premier était dans l’éclat physique, le second est davantage dans la promenade spirituelle.
Dans un décor de lignes noires où s’inscrit un miroir vers lequel il se retourne souvent, Cocteau va d’une idée à un souvenir, d’un récit à un point de vue : la fausse facilité d’écrire qu’on lui attribue, l’artiste qui l’a le plus fasciné et qui est Picasso, la création de Parade qui fit scandale, la silhouette de Stravisky, l’apparition de Radiguet… La musique du Sacre du printemps est l’une des rares interventions musicales. Tout est dans les mots et dans le jeu grave que l’écrivain mène avec eux. Tout est dans la finesse de Jacques Sereys sans cesse ironique et tendre avec ce plaidoyer intime qui traverse presque tout un siècle.
Depuis la création, bien des personnages évoqués et bien des faits rapportés se sont éloignés. Ils reviennent avec une autre couleur et une autre nécessité pour les générations qui ne perçoivent pas le passé comme ceux qui en ont été les témoins. Le spectacle de Jean-Luc Tardieu, d’une pudeur qui n’efface pas l’éclat, et l’interprétation de Jacques Sereys, qui rayonne de gourmandise, balaient l’écueil d’un passéisme nostalgique. Cette fête de l’intelligence appartient à la fois à l’histoire et au présent, au temps d’hier et au temps d’aujourd’hui.

Cocteau-Marais de Jean Cocteau, mise en scène de Jean-Luc Tardieu, décor de Jean Marais reconstitué par Jean-Yves Leprince, lumières de Jacques Rouveyrollis, costumes de Renato Bianchi, son de Gilbert Croisé reconstitué par Michel Winogradoff, avec Jacques Sereys. Studio-Théâtre de la Comédie-Française, tél. : 01 44 58 98 58, jusqu’au 8 novembre.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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