Castings : “Les escrocs ont le vent en poupe”

James D. Chabert, président de l’association STOPARNAKCASTING

Webthea : James Chabert, vous êtes un des fondateurs de l’association STOPARNAKCASTING dont vous assurez la présidence. Dans quelles circonstances a-t-elle été crée ?

James D. Chabert : Le déclencheur a été mon expérience personnelle : une arnaque au casting pour un long métrage à Bordeaux. Une fois ce casting révélé comme une arnaque, j’ai participé à une série de trois émissions dans lesquelles j’ai dénoncé cette pratique. Je tiens d’ailleurs à remercier Thierry Lhermitte à ce sujet car son intervention a permis la médiatisation de ce phénomène.
C’est en juillet 1999 que j’ai créé l’association avec mon ami William M. Duval pour continuer le combat contre ces arnaqueurs qui minent le monde du spectacle.


Webthea : Grâce à votre position d’observateur privilégié, pouvez-vous nous dresser un état des lieux du monde du casting en France ?

James D. Chabert : Tout d’abord, j’aimerais faire une mise au point sur l’emploi du mot “CASTING”, qui est utilisé à tort et à travers par les novices et, bien sûr, les arnaqueurs. Un casting est avant tout un entretien d’embauche dans les domaines du spectacle. On ne paie pas pour passer un entretien d’embauche.

En France, nous avons pu estimer le taux d’arnaque à environ 5% de tous les castings organisés. J’ai malheureusement peur que ce taux n’augmente dans les années qui viennent. Les escrocs ont le vent en poupe !

Webthea : Pouvez-vous nous dire quels sont les personnes touchées par ces arnaques. Il s’agit principalement de jeunes ?

James D. Chabert : C’est un cliché. Nous nous imaginons une jeune fille qui a entre 16 et 18 ans. C’est archi-faux. En fait toutes les tranches d’âge sont touchées, du bébé, par l’intermédiaire des parents qui veulent croire en lui, jusqu’aux personnes âgées qui se présentent pour des figurations, entendant profiter de leur temps libre...


Webthea : Je voudrais aussi que vous évoquiez les différents types d’arnaques au casting que vous avez pu rencontrer.

James D. Chabert : Pour continuer sur l’exemple de la figuration, il est vrai que pour s’inscrire, il n’y a pas de critère physique ou de critère d’âge... Mais il n’y a pas non plus à payer ! C’est facile ! Pas besoin de formation ou de se faire faire un book à grand frais pour de la figuration ! Une photo de vacances en pied et un photomaton suffisent. Les prestations “book” ou “formation” sont d’ailleurs des arnaques classiques dans les “boîtes à casting”.

Les arnaqueurs peuvent aussi vous proposer, moyennant finance, de vous référencer sur un site internet (très en vogue ces derniers temps) ou sur un book collectif en vous garantissant verbalement que vous allez rapidement recevoir des propositions de producteurs ou de réalisateurs grâce aux contacts dont ils disposent. C’est une imposture ! Ils n’ont pas de contacts et n’ont tout simplement pas le temps de faire des démarches envers les producteurs. Ils ne font que ramasser l’argent et souvent à tour de bras

En fait, l’arnaque vient du fait qu’ils vous vendent des services, à des prix exorbitants vu la qualité des productions, et vous promettent que vous allez grâce à eux trouver du travail incessamment sous peu. Ce qui n’arrive évidemment jamais.

D’autre part, ce qui me semble important de souligner est que les gens croient connaître le monde du casting, notamment au travers de l’image que nous en donne la télévision.

Entre autres, les émissions de télé réalité et les sujets sur le vedettariat ont une fâcheuse tendance à présenter les choses sous leur meilleur jour : des stars, des inconnus qui deviennent célèbres en un rien de temps, des success story... Elles ne parlent pas de l’envers du décor. C’est un vrai miroir aux alouettes. Nous oublions trop volontiers qu’arriver à ces statuts qui font rêver est un travail de tous les jours et de longue haleine et que, finalement, très peu sont élus.

Les arnaqueurs exploitent ce filon, car c’est un vrai filon, la seule chose qui les intéresse est l’argent. Un autre point important, ils arrivent à être très créatifs. J’ai des exemples de mises en scène très bien montées avec des arnaqueurs qui tirent adroitement parti de leur proximité avec de vrais tournages de films par exemple.

Webthea : Pouvez-vous nous expliquer quelles actions vous mettez en œuvre pour mener à bien votre mission ?

James D. Chabert : La première étape est le recueil d’indices et de témoignages. A partir du moment où 10 personnes de régions différentes nous font parvenir une copie de leur contrat, nous pouvons commencer à nous pencher sans trop d’erreur sur l’affaire pour ensuite instruire un dossier.

Le problème est le suivant : pas de procès sans victime. Nous, en tant qu’association, nous ne sommes pas victime, les gens doivent réclamer leurs droits. Malheureusement, ils ne se plaignent pas de façon automatique. Dans le dernier procès que nous avons remporté contre Intercasting, seulement 50 des 3500 personnes arnaquées ont porté plainte. Les arnaqués ont peur de se faire “griller” dans le monde du spectacle, il subissent les moqueries de leur entourage ou ils ne veulent tout simplement pas engager de procédures interminables pour des sommes qui ne représentent qu’un dixième des frais d’avocats.

Ce dernier cas est particulièrement vérifiable pour les arnaques à 200 euros, très répandues ces derniers temps. A notre niveau nous ne pouvons que les encourager à porter plainte et à se battre. Puis nous formons des collectifs de plaignants pour enfin adresser l’affaire à un des quatre avocats qui travaillent avec nous.

Webthea : L’association a 4 ans cette année mais vous avez déjà un “palmarès” assez impressionnant !

James D. Chabert : Nous avons mené 4 affaires à terme. C’est à dire que nous avons obtenu la fermeture d’une vingtaine de ces boîtes, à l’aide d’un procès, par simple sommation ou grâce à la médiatisation.

Nous avons par exemple le cas d’un reportage diffusé sur M6 en janvier 2003 qui a déclenché la fermeture immédiate (le lendemain) de huit agences franchisées. Nous avons actuellement 3 affaires en cours pour lesquelles nous “recrutons” encore des plaignants.

Ces résultats sont effectivement encourageants si l’on considère la lenteur des procédures judiciaires, pouvant s’étendre sur 2, 3 ou 4 ans. Concernant notre palmarès, je tiens à dire que nous ne sommes pas là uniquement pour faire des procès. C’est grâce à des actions publiques comme celles-là que nous existons mais nous répondons aussi présents pour écouter les gens. Non seulement pour faire le travail de détective nécessaire mais aussi pour soutenir les gens démoralisés ou déçus, les réconforter. Nous partageons avec eux l’expérience de l’arnaque et du monde du spectacle, ce qui nous permet de mieux les comprendre. C’est une autre de nos forces. Nous sommes évidemment là, aussi, pour conseiller ceux qui en ont besoin, novices ou pas.

Nous développons d’ailleurs en ce moment une rubrique sur notre site pour expliquer comment trouver du travail avec très peu d’argent. Par exemple, ouvrir les Pages Jaunes à Audiovisuel et envoyer des candidatures spontanées pour de la figuration...

Webthea : Vous avez récemment été la cible de menaces de mort, comment avez vous réagi ?

James D. Chabert : Ma première réaction a été de porter plainte. Je continue à me battre. Je pense que ne rien dire, c’est accepter.

C’est vrai pour moi, mais c’est aussi vrai pour toutes les personnes arnaquées. J’appelle donc tous ceux qui se sont fait arnaquer à témoigner, même si l’affaire est ancienne et qu’il y a prescription. Vous pouvez nous fournir des informations précieuses même 10 ou 15 années après. Les personnes qui ont la fibre de l’escroquerie se renouvellent, changent de concept et se déplacent aussi. Grâce aux archives et donc à vos témoignages nous pouvons faire des recoupements et les retrouver.

Webthea : C’est un vrai travail de fourmi !

James D. Chabert : Oui, il ne faut rien laisser au hasard, mais c’est passionnant ! Notre activité, c’est quand même en premier lieu les relations humaines. J’entretiens des contacts et un carnet d’adresses qui s’étendent de plus en plus chaque année. Encore une fois, j’aimerais faire un appel à la mobilisation adressé à tous les acteurs du spectacle, qu’ils soient connus ou inconnus. Le simple fait de parler de ces problèmes est un moyen de prévention primordial que nous cherchons à développer. C’est en ce sens que je crois aux qualités de la rumeur.

A ce propos, nous allons rapidement mettre en place une newsletter qui sera le mensuel de stoparnakcasting. Nous allons la lancer le mois prochain pour exploser en février en France et à l’étranger, car les escrocs ne s’embarrassent pas des frontières et nous retrouvons partout ce type d’agissements.

D’autre part, merci à Webthea et à tous les autres. Grâce à vous, nous acquérons une visibilité croissante chaque jour, et les gens doivent savoir que nous existons.

URL : http://www.stoparnakcasting.org

A propos de l'auteur
Gilles Dumont

1 Message

  • Castings : “Les escrocs ont le vent en poupe” 20 avril 2013 16:35, par ininie

    Jai besoin daide

    Répondre au message

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