A Noiva e o Boa Noite Cinderela par Carolina Bianchi au gymnase du Lycée Aubanel Avignon In

Faire voir au grand jour ce qu’on ne voit pas mais qui s’accomplit dans l’ombre.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela par Carolina Bianchi au gymnase du Lycée Aubanel Avignon In

Carolina Bianchi est metteuse en scène de théâtre, auteure et interprète brésilienne installée à à Amsterdam. À la tête du collectif Cara de Cavalo (« le visage du cheval »), elle mêle les références littéraires, plastiques et cinématographiques dans la confrontation à un réel trivial. Ses espaces de prédilection évoluent entre théâtre, performance et danse, sur des questions liées au genre, aux violences sexuelles et à l’histoire de l’art. Elle présente pour la première fois son travail à Avignon.

Le spectacle présenté au Gymnase du Lycée Aubanel, A Noiva e o Boa Noite Cinderela, Capitulo 1 da Trilogia Cadela Força concerne - réalisme et crudité - les violences faites aux femmes - viols et féminicides - depuis des temps reculés, évoquant L’Enfer de Dante, son emblématique forêt obscure, ou Botticelli, reprenant des scènes évocatrices du Décaméron de Boccace : on voit la peinture d’une femme - bête de proie et futur trophée de chasse - traquée par un cavalier tueur.

On observe même - scènes rapportées par l’Art - comment la victime féminine horrifiée a été éviscérée, alimentant les chiens du chasseur/bourreau. Ces violences concrètes isolées sont la métaphore de la condition de la femme, entre atteintes physiques, sexuelles et psychologiques.

La conférencière Carolina Bianchi s’adresse en spécialiste à un public pensé comme averti, vêtue de blanc, lumineuse et paisible, sûre de son protocole ou de sa problématique, donnant à voir des photos de performances diverses à la violence consentie : la performeuse s’éprouve elle-même.

S’impose alors le portrait de l’artiste performeuse Pippa Bacca et de son oeuvre, performance au long cours de deux artistes femmes qui traversent en stop l’Europe, d’Italie jusqu’en Israël, habillées de robes blanches de mariées. Le symbole d’un « mariage entre les peuples rencontrés », une proposition tournée vers la paix qui aurait exposé les robes maculées de leur voyage dans une galerie à Jérusalem. Or, arrivée en Turquie, Pippa, séparée de son acolyte, est violée et tuée.

Carolina Bianchi se confronte à un acte performatif - risque et hyperréalisme, même si le geste est contrôlé sur scène, et même si l’interprète endormie dans la seconde partie, est entourée par son équipe -, soit la « résurrection » d’une performance : l’artiste avale une pilule du sommeil appelée au Brésil « Boa noite Cinderela », substance utilisée dans les bars par les agresseurs sexuels.

En vue d’une exploration du fait, humaine et sensorielle, à travers non seulement le théâtre et l’art, mais forcément, la mémoire, les souvenirs, l’imaginaire collectif et individuel - trouble des époques, de l’incidence du rêve, du fantasme, avec à l’opposé, l’oubli total, la disparition, l’endormissement.

Revivre le viol vécu ou rapporté, le transcender consciemment, à partir de l’acte-même, accueillir l’inouï, l’incroyable, l’effroi et la terreur de scènes d’humiliation et d’inhumanité. La fin du spectacle s’accomplit dans l’acte cru du viol technique et froid de la performeuse, anonyme et contrôlé, et expose, à travers une caméra de prospection technologique, la misère du monde et de l’existence.

Le collectif brésilien - corps juvéniles et toniques, vêtus de noir et délibérément sexy - investit l’espace sombre, dessine un cadre et installe les cadavres et squelettes féminins gisant sur leur lit de terre au cimetière ; d’autres emplacements simuleraient des tas de poudre blanche - image des faux rêves -, alors qu’une voiture - lieu de prédilection de nombre de violeurs - est débâchée à vue.

Lumières fluo et musiques techno du temps et de toutes les jeunesses, les interprètes envahissent les lieux de toute leur assurance et leur volonté d’en découdre, fiers d’être là où ils sont. Ils dansent, inaccessibles, et esquissent une chorégraphie énergique, vécue de l’intérieur.
Le théâtre va entre rêve et cauchemar, amusements et fins tragiques car la vie cache bien son jeu.

Le spectacle représente explicitement des scènes de violences sexuelles et des comportements pouvant heurter la sensibilité du public. Il est fortement déconseillé aux moins de 18 ans.


La tension ne baisse pas d’un cran, tout au long de la représentation, attachée à ce que l’impensable soit vu, observé, soupesé, évalué enfin, pour qu’il soit combattu encore et encore.

A Noiva e o Boa Noite Cinderela, Capitulo 1 da Trilogia Cadela Força, texte, conception, mise en scène et dramaturgie Carolina Bianchi, traducteurs Larissa Ballarotti, Luisa Dalgalarrondo, Joana Ferraz, Marina Matheus (anglais), Thomas Resendes (français), dramaturgie Carolina Mendonça, musique, son Miguel Caldas, lumière Jo Rios, scénographie Luisa Callegari, vidéo 
Montserrat Fonseca Llach, costumes Carolina Bianchi, Luisa Callegari, Tomás Decina. Avec Larissa Ballarotti, Carolina Bianchi, Blackyva, José Artur Campos, Joana Ferraz, Fernanda Libman, Chico Lima, Rafael Limongelli, Marina Matheus. Les 6, 7, 8, 9 et 10 juillet 21h30 au Gymnase du Lycée Aubanel, Festival Avignon In.
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage

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Véronique Hotte

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