Un instant, d’après A la recherche du temps perdu de Marcel Proust

Exploration de l’intime

Un instant, d'après A la recherche du temps perdu de Marcel Proust

Beau projet que celui de faire entendre la voix de Marcel Proust sur scène mais difficile entreprise à laquelle s’est attachée Jean Bellorini en mettant en scène un dialogue inattendu et souvent drôle, comme murmuré à bas bruit dans la pénombre, entre l’exilée vietnamienne et Marcel, exilé de son enfance, venu, semble-t-il lui rendre visite. Le parti pris de conjuguer le souvenir côté Vietnam et côté Combray donne du corps aux mots en instillant de l’émotion. Mélange étonnant de souvenirs de la « vraie » vie d’Hélène Patarot et des souvenirs revisités par la littérature de Proust, ou quand Marcel et Hélène se rencontrent pour évoquer leur madeleine et leur grand-mère respectives et nous embarquer dans leur voyage, au rythme du temps intérieur. Troublante confession que celle de la comédienne qui raconte à Marcel son arrivée dans le Berry en direct du Vietnam, sa maladie et sa complicité avec sa grand-mère. À quoi font écho des extraits piochés dans La Recherche dont les fameuses pages relatant le coucher du petit Marcel, et surtout la grand-mère qu’il aimait et dont il fait un récit poignant du décès et de ses conséquences affectives, introspection et réflexion sur les intermittences du cœur. Tout ne parle ici que de solitude — comme l’évoque le grenier où Marcel aime à se réfugier pour lire ou rêvé, matérialisé par un énorme bloc au-dessus de la scène — et d’absence, suggérée par les empilements monumentaux de chaises, témoins d’un passé qui n’est plus quand Marcel faisait son miel de ses fréquentations mondaines pour nourrir son œuvre future. Malgré quelques longueurs on est embarqué dans cette exploration de l’intime conclue par cette remarque définitive et amusée du narrateur : « J’aurais voulu faire constater aux sceptiques que la mort est une maladie dont on revient ». Un spectacle subtil, interprété avec justesse par Hélène Patarot et Camille de La Guillonnière, sur des musiques d’Arvo Pärt, Bach et Vivaldi très délicatement jouées par Jérémy Péret à la guitare.

Un instant, d’après A la recherche du temps perdu de Marcel Proust. Adaptation Jean Bellorini, Camille de La Guillonnière, Hélène Patarot. Mise en scène, scénographie et lumière, Jean Bellorini. Avec Hélène Patarot et Camille de La Guillonnière. Costumes, Macha Makeïeff ; création sonore, Sébastien Trouvé. Au TGP à Saint-Denis jusqu’au 9 décembre 2018 à 20h, dimanche à 15h30. Durée : 1h45.
Résa : 01 48 13 70 00.

© Pascal Victor

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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