Tourbillon d’après Rezvani
Un amoureux de la vie
Une biographie condensée de Serge Rezvani autour d’une de ses chansons les plus connues « Le tourbillon de la vie ». Narrée et chantée avec délicatesse par Isabelle Richard dans une mise en scène efficace d’inventivité qui remet en lumière la carrière picturale et poétique de cet Iranien intégré en France depuis son adolescence.
Serge Rezvani fête, comme il le confesse lui-même, ses ‘100 ans moins 5’. C’est un inconnu connu. Entendez par cet oxymore qu’une partie de sa création est restée dans une certaine pénombre et que l’autre est ancrée dans la mémoire d’une majorité de citoyens qui connaissent l’œuvre mais ne l’associe pas à son patronyme. Pourtant cet artiste engagé n’a jamais craint la polémique pour défendre ses idées démocratiques. Les théâtreux se souviendront de « Capitaine Schelle, capitaine Eçço » et de sa pièce virulente contre la tyrannie du shah d’Iran « Le camp du drap d’or » que Lucien Attoun produira en lecture dans son avignonnais « Théâtre ouvert ».
La vie de cet homme singulier, peintre, poète, dramaturge, romancier, chansonnier… a engendré une œuvre considérable. Isabelle Richard en donne un portrait plein de tendresse, de lucidité, d’intelligence avec, en tant que partenaire, le guitariste Parsa Sanjari et une scénographie mobile dont la structure métallique tient à la fois de la boite à surprises et d’un jeu de construction.
Ce dispositif participe au jeu scénique à égalité avec la comédienne. Il permet de passer d’un endroit à un autre avec la fluidité dynamique des fondus enchaînés. Il ne cesse de modifier l’espace, notamment au moyen de ses sièges escamotables ou éjectables, pour l’adapter à une multitude de lieux en participant au rythme de la représentation. Support ou suggestion, cela permet aussi de servir d’écrans fragmentés pour projections vidéo.
La comédienne, sans jamais en faire trop, évoque les épisodes majeurs de l’orphelin ado, du gamin au père illusionniste exilé, du peintre méfiant face aux tentatives de récupération par le pouvoir iranien de l’époque, de l’amoureux de Lula l’inspiratrice d’un couple indestructible, du compositeur de chansons et du familier avec les créateurs du cinéma nouvelle vague… L’interprétation d’Isabelle Richard use de toutes les possibilités corporelles et vocales pour porter les mots à leur plénitude, pour dire le drolatique aussi bien que le pathétique. Elle pratique un échange permanent avec son musicien partenaire, d’origine iranienne lui aussi, discret, virtuose sans excès, complice. Elle revisite quelques chansons avec bonheur. Elle propose une leçon de vie vouée à la création et à l’amour absolu. Elle transmet un besoin d’exister à travers l’art, le couple, l’appétit de vivre. De quoi sortir du théâtre avec une envie d’être au monde pour en savourer les réalités nourricières.
Festival Avignon Off 2023
07>29 juillet 2023 L’Arrache-Cœur 14h50
Durée : 1h
Dès 12 ans
Texte : d’après l’œuvre de Serge Rezvani
Adaptation : Anne Conti, Isabelle Richard
Mise en scène : Anne Conti
Avec : Isabelle Richard (jeu et chant), Parsa Sanjari (guitare)
Arrangements, compositions : Merhad Pakbaz, Thierry Tisserand
Cobstruction décor : Paul-Etienne Voreux
Lumière, vidéo : Antoine Crevon
Production : La Barcarolle (Saint-Omer)
Lire : Serge Rezvani, "Les Années-lumière" (1957), "Les Années Lula" (1968), "Le Testament amoureux" (1981), "Variations sur les jours et les nuits" (1985), "Ultime amour" (2012)
Ecouter : Serge Rezvani, "Chansons pour Lula", CD, Productions Canetti, 2023