Théâtre en mai à Dijon

Le Changement dans la continuité

Théâtre en mai à Dijon

Pour Benoît Lambert, qui a succédé à François Chattot au mois de janvier 2013, le Festival Théâtre en mai ( du 17 au 26 mai ), doit rester « l’élément fort de l’identité » du Centre National Dramatique ( le TDB) qu’il dirige désormais. Se souvenant d’y avoir fait ses premières armes, il entend rester constant dans l’attention à la jeune création et continuer à faire de la manifestation le tremplin de jeunes équipes artistiques. De celles-là, inventives, qui bousculent les codes et les formes et qui, dans la diversité de leurs approches, « témoignent de la vitalité du théâtre en ce début du XXIe siècle ».

Regards singuliers et pluriels sur le monde

Sous cette égide, c’est du bruissement, voire des grincements du monde dont nous parlent les troupes invitées, qu’elles revisitent le répertoire tels par exemple le T.O.C avec Turandot ou le Congrès des blanchisseuses de Brecht, ou l’Ensemble Epik Hôtel avec Don Juan , ou fourbissent un répertoire ajusté à leur propos et explorent d’autres langages. Ainsi en est-il pour l’Idem Collectif qui avec Call me Chris a travaillé « sur une écriture des gestes, sur l’insolite des corps » pour aborder le problème de ce qu’on pourrait appeler le délit de patronyme. Pour sa part, Frédéric Sonntag orchestre, dit-il, « une certaine cacophonie du vivant » pour témoigner de la complexité toujours plus forte de notre modernité et de sa fragmentation. Son spectacle Sous contrôle nous invite « dans un univers cloisonné et surveillé où politique et spectacle finissent par se confondre ».

Dialogue des formes et des générations

Au programme pas moins de quatorze spectacles dont certains ont passé la frontière tel Guns ! Guns ! Guns ! venu d’Athènes dans les bagages du Blitz Theatre Group qui propose ce qu’il nomme « une rétrospective délirante du vingtième siècle ». Une fresque loufoque autant que corrosive qui va de guerres en révolutions en passant par celles de la technologie, où Staline croise Elvis Presley et King Kong mange la banane d’Andy Warhol, histoire « d’interroger la capacité des hommes à changer le monde ». En ces temps de crises aiguës, non seulement en Grèce mais en Europe, la question est d’une brûlante actualité.

Lorsqu’il dirigeait le Théâtre de Bourgogne, François Chattot voulait que Théâtre en mai soit un espace de brassage et de transmission, « entre les vieilles branches et les jeunes pousses ». Affirmant aujourd’hui que « d’abord fondé sur un dialogue des formes », la manifestation « veut aussi être lieu d’un dialogue des générations », Benoît Lambert ne dit pas autre chose que son prédécesseur.

Deux grands maîtres de la scène européenne

C’est dans cette perspective qu’a été invité Philippe Genty, maître-magicien des mirages, qui incessamment brouille les pistes entre théâtre, danse, marionnettes. Règle, ô combien !, à l’œuvre avec Ne m’oublie pas , spectacle créé en 1992 et qu’il a remis en chantier avec des jeunes artistes norvégiens. Entre réel et fantastique, corps vivants et corps artificiels des mannequins, c’est une plongée dans l’inconscient en même temps qu’une méditation poétique sur la vie, qu’avec la complicité de Mary Underwood, propose Philippe Genty.

C’est Matthias Langhoff, autre figure majeure de la scène européenne, qui, en tant que parrain de cette 24ème édition, ouvre le Festival avec un Œdipe Tyran (en russe surtitré), puisé tout à la fois chez Sophocle, Hölderlin, Heiner Müller, et dont la scène se passe sur le front russe. C’est lui aussi qui le clôturera avec Dîner de fête de Don Juan , (en hongrois surtitré), « inspiré de Tirso de Molina, revu par Molière, avec une goutte de Mozart et de Da Ponte, teinté d’une petite touche de Bataille ». Une version très singulière de Don Juan à travers laquelle Matthias Langhoff s’interroge et nous interroge, non sans violence, sur « les différents aspects de la séduction et la manière dont la mort peut être acceptée ».
Divers débats et rencontres émaillent un Théâtre en mai, qui pour avoir changé de mains n’en reste pas moins festif et, nous dit Benoît Lambert, « poursuit sa route à la recherche de nouveaux émerveillements ».

Photo Yuri Nabutov (Oedipe Tyran)
Théâtre en Mai du 17 au 26 mai.
Théâtre de Dijon 03 80 30 12 12 ou www.tdb-cdn.com

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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