Tartuffe de Molière

Une mise en scène conventionnelle

Tartuffe de Molière

Curieusement on dirait que c’est sans conviction que le grand metteur en scène allemand Peter Stein, ancien directeur de la Schaubüne de Berlin, s’est emparé de Tartuffe. Son spectacle, qui pourtant réunit deux poids lourds du théâtre, Pierre Arditi (Tartuffe) et Jacques Weber (Orgon), n’outrepasse pas les limites d’un conformisme à la papa sans véritable point de vue, dans un décor dont la blancheur immaculée n’allège en rien la lourdeur induisant des déplacements sans fluidité. Si certains costumes sont de belles factures (comme la robe de Marianne ou la tenue d’Orgon) d’autres font grincer des dents, telle cette improbable robe fuchsia portée par Elmire ; heureusement, l’élégance naturelle d’Isabelle Gelinas estompe la laideur de ce tissu si peu seyant, vaguement drapé sous la poitrine.
La distribution est inégale. Pierre Arditi offre de Tartuffe une lecture donnée d’emblée, excluant tout mystère, passablement caricaturale de l’hypocrite confit et mielleux. Plus nuancée est l’interprétation de Jacques Weber qui fait évoluer le personnage d’Orgon dont il révèle les contradictions, les faiblesses ; il l’arrache au stéréotype pour faire battre son cœur. Ce qui arrive à Orgon pourrait arriver à tout un chacun, se laisser aveugler par une fausse vérité, se fier aux apparences et conclure au complot pour défendre un point de vue erroné parce qu’on a besoin d’y croire, au risque de perdre sa lucidité. Son épouse Elmire saura lui dessiller les yeux dans la fameuse scène du témoin caché dans laquelle elle colle Orgon sous une table pour qu’il soit témoin en direct de la fourberie libidineuse de ce faux dévot qui l’a ensorcelé. Isabelle Gelinas y mène la comédie avec grâce, vigueur et humour.
Malgré quelques moments réussis, la mise en scène de Peter Stein semble ne s’intéresser qu’au trio principal, négligeant les personnages secondaires et les dimensions d’arrière-plan qui n’en sont pas moins d’importance. Elle s’inscrit loin derrière celles de Roger Planchon (1 977) dans ce même théâtre, ou même celles d’Ariane Mnouchkine (1 995) ou de Stéphane Braunschweig (2 008) et récemment de Luc Bondy (2 014). S’attaquer à une pièce tant de fois mise en scène met la barre très haut.

Tartuffe de Molière, mise en scène Peter Stein, avec Pierre Arditi, Jacques Weber, Isabelle Gelinas, Manon Combes, Catherine Ferran, Bernard Gabay, Félicien Juttner, Jean-Baptiste Malartre, Marion Malenfant, Loïc Mobihan, Luc Tremblais.
Décors Ferdinand Woegerbauer. Costumes Anna Maria Heinreich. Lumières François Menou. Au théâtre de la porte Saint Martin à 20h.

© Pascal Victor

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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