Poussière de Lars Noren
Mourir la belle affaire, mais vieillir...
Dans un no man’s land de ruines et de décombres à l’image de l’état physique et moral des onze personnages en quête d’une parcelle d’eux-mêmes dans le naufrage de la vieillesse qui les emporte. Tout est gris, en cours de disparition, les personnages semblent couverts de leurs propres cendres de la tête aux pieds. L’injonction de la Genèse « tu es poussière et tu retourneras à la poussière » n’est ici d’aucun secours pour supporter l’inacceptable. Le texte suggère un club de vacances au bord de la mer que certains rêvent de quitter pour rentrer à la maison. On entend bien les vagues mais l’entendent-ils encore ? Telles des âmes en peine, de pauvres hères solitaires abandonnés à leurs désordres, ils se traînent d’une chaise à l’autre jusqu’à ce qu’une jeune personne gracile et muette, un peu simplette, peut-être une version de l’ange de la mort, les conduisent un à un vers un au-delà de tulle et de nuages, traversé par une brusque évocation des camps de la mort. Le grand metteur en scène suédois Lars Noren, 73 ans, déclare qu’il lui a fallu atteindre cet âge pour envisager d’écrire sur ce sujet difficile. Poussière, qui entre au répertoire, a été écrit spécialement pour la Comédie-Française, travaillé en improvisations et écrit sur le plateau. Le résultat n’est pas très convaincant, comme si cet inventaire des malheurs de la fin de vie manquait de colonne vertébrale. Les comédiens ne semblent pas à l’aise dans cet exercice, eux qui sont capables des plus sidérantes prestations en d’autres circonstances. Ce texte choral tout en fragments, en pensées inachevées, en traits d’humour évanouis aussitôt prononcés, qui menacent de s’effilocher, de disparaître, ne donne que peu de prises à l‘interprétation. Le propos est fort, très fort mais curieusement ne touche pas. Peut-être faudra-t-il des ajustements et représentations supplémentaires pour trouver les points d’ancrage du texte, pour que les comédiens se l’approprient vraiment.
Poussière de Lars Norén ; mise en scène Lars Noren. Avec Martine Chevallier, Thierry Hancisse, Anne Kessler, Bruno Raffaelli, Alain Lenglet, Françoise Gillard, Christian Gonon, Hervé Pierre, Danièle Lebrun, Didier Sandre, Gilles David, Matthieu Astre, Juliette Damy, Robin Goupil et Alexandre Schorderet. Avec les enfants en alternance Maxime Alexandre, Margaux Guillou, Rosalie Trigano
© Brigitte Enguérand