Les Puritains de Vincenzo Bellini

“Elsa Dreisig : ah ! la folie !”

Les Puritains de Vincenzo Bellini

Retour sur la scène parisienne du dernier opéra de Bellini, dont l’amour impossible entre Elvira et Arturo constitue l’intrigue, sur fond d’opposition entre partisans des Stuart et dictature de Cromwell. Les Puritains version Laurent Pelly reviennent à Bastille après leur création en 2013 dans une double distribution du rôle d’Arturo.

C’est un château sans chair et sans pierre qui sert de décor (Chantal Thomas) à la première partie des Puritains : l’armature de fer forgé tourne à 360 degrés pour se montrer sous tous ses jours, comme pour dire que ce squelette où Elvira croit trouver refuge est en fait une prison aux parois transparentes… Grâce aux lumières délicates de Joël Adam, aux costumes inspirés de Laurent Pelly, il règne sur scène une atmosphère de rigueur et de sobriété toute protestante. Les robes et armures de soldats des chœurs, du beige au gris, la blanche robe d’Elvira, combinent élégance, Renaissance et modernité.

Dans la deuxième partie, seuls quelques modules de l’édifice subsistent : une tour et une chambre de fer, celle d’Elvira. Le message est passé : voici un semblant de refuge, ou plutôt une cage qui l’enferme.

La recette de Laurent Pelly est efficace, même si la rotation continuelle du décor en première partie finit par lasser. Le mouvement apporté par les chœurs compose de jolis tableaux, et contribue à occuper une scène presque parfois un peu trop grande…

La direction de Riccardo Frizza est appliquée et parfois un peu sage, loin de l’emphase que pourraient réclamer ces pages du belcanto. Le chef italien trouve toutefois de jolies couleurs, notamment en mettant en avant des cuivres dignes et soyeux. Un choix de direction assumé pour ne pas couvrir certaines voix du plateau ?

Lord Arturo Talbot est chanté par Francesco Demuro, déjà entendu la saison dernière en Gabriele Adorno dans le Simon Boccanegra de Bieto. Si le chant est appliqué, la diction bonne et l’engagement scénique irréprochable, le ténor italien pèche par un manque évident de puissance, en particulier dans la première partie. S’il passe la rare épreuve du contre-fa, on entend ici une voix encore jeune et verte.

A son côté, Nicolas Testé fait un Sir Giorgio imposant. L’oncle d’Elvira remplit son rôle avec une stature tutélaire et digne. La voix est homogène et bien posée, le timbre profond. En face de lui, le baryton russe Igor Golovatenko s’illustre dans un style bien différent. Sa voix nasale et un peu serrée présente toutefois une jolie texture, utilisée habilement pour souligner la noirceur de Sir Riccardo Forth.

Une apparition courte mais convaincante est réservée à Gemma Ní Bhrian en Enrichetta di Francia paniquée. Trop rapide passage que réserve aussi la partition au Sir Bruno Roberton de Jean-François Marras. Pourtant, le ténor français est convaincant et prestant dans ce personnage brave et fier. Luc Bertin-Hugault complète les seconds rôles et fait un honorable Lord Gualtiero Valton.

On goûte la belle performance de celle qui incarne Elvira, Elsa Dreisig, envoûtée et animée d’intenses sentiments. La folie et la douleur gagnent petit à petit la soprano franco-danoise qui les restituent avec justesse dans un engagement absolu sur scène, qui lui vaut peut-être quelques légères faiblesses en fin de représentation. Elsa Dreisig montre vocalement beaucoup d’aisance et d’amplitude, on apprécie sa voix claire, servie par une belle projection. Les médiums sont bien installés, mais les aigus plus serrés par moment sont le bémol de cette représentation.

Mention aux chœurs qui, en plus de participer activement à la réussite visuelle de cette mise en scène, apportent un concours précieux à l’ensemble musical.

Ces Puritains par Pelly fonctionnent bien sans toutefois soulever les foules. La saison 2019-2020 est bien lancée, après les Puritains nous attendent surprises et promesses, que passent les semaines !

I Puritani – Les Puritains, de Vincenzo Bellini, livret de Carlo Pepoli, orchestre et chœur de l’Opéra National de Paris, direction Riccardo Frizza, chef de chœur Jose Luis Basso, mise en scène et costumes Laurent Pelly, décors Chantal Thomas, lumières Joël Adam. Avec Elsa Dreisig, Francesco Demuro, Gemma Ní Bhrian, Luc-Bertin Hugault, Jean-François Marras, Nicolas Testé.

À l’Opéra Bastille, du 7 septembre au 5 octobre 2019
08 92 89 90 90 - +33 1 72 29 35 35 - www.operadeparis.fr
© Sébastien Mathé

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Quentin Laurens

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