La Force qui ravage tout de David Lescot

Une comédie musicale euphorisante sur l’amour qui dérègle tout

La Force qui ravage tout de David Lescot

David Lescot enchaîne les spectacles à un rythme soutenu. Très (trop) riche, la comédie musicale qu’il crée aujourd’hui à l’Espace Cardin, La Force qui ravage tout, est inspirée par un opéra baroque L’Orontea (1656), du compositeur italien Antonio Cesti, un divertissement ultra-léger où les personnages ne songent qu’à l’amour, seul but et moteur de leur vie. Sur scène, tout commence donc par la scène de L’Orontea, où l’héroïne laisse tomber un amant pour passer à un autre. Comme gagnés par la contagion, en sortant de la représentation, les protagonistes du spectacle se mettent à se comporter de manière de plus en plus étrange, imprévisible, et la demi-douzaine de couples qu’ils forment s’en trouvent complétement déstabilisés. C’est l’amour désormais qui guide leurs comportements, leur mode de vie ou leurs choix professionnels. Il s’ensuit une succession de bouleversements qui vont révolutionner la folle nuit et la journée qui suit la représentation jusqu’à la nuit d’après.

La construction est chorale et on suit les personnages qui échangent d’abord des propos divergents sur le spectacle qu’ils viennent de voir, puis au restaurant où ils se rendent tous par couple, puis à l’hôtel. A charge pour la musique de traduire la dimension émotionnelle de l’expérience surnaturelle vécue qui entre en conflit avec tout esprit de sérieux et envoie balader l’argent, la politique, tous les engagements pris. Installée derrière un rideau de tulle qui crée un double espace dans le fond de scène, la petite formation musicale qui accompagne les comédiens/chanteurs se compose de quatre instrumentistes qui naviguent entre les styles, capables de jouer du baroque comme de l’électro. On part d’un traitement original de la musique baroque, où se mêlent instruments classiques et électroniques, et l’on évolue vers la pop, le jazz, la soul et le spoken Word (texte parlé sur du rythme ou de la Musique).

L’étrangeté de l’expérience vécue

David Lescot mobilise quasiment la même distribution et la même équipe artistique que pour sa création précédente, Une femme se déplace, qui s’était taillée un beau succès en 2019 mais dont les reprises avaient souffert des confinements successifs. A commencer par le chef de la petite formation, Anthony Capelli, qui a aussi conçu les effets électroniques traduisant l’étrangeté de l’expérience vécue. Et comme pour Une Femme se déplace, c’est la chorégraphe Glyslein Lefever qui a conçu les courtes séquences de danse et dirige les nombreux mouvements scéniques.

Parmi les interprètes, on retrouve avec plaisir Ludmilla Dabo pour qui David Lescot avait créé Portrait de Ludmilla en Nina Simone (2019) et qui avait obtenu le prix du Syndicat de la critique de la comédienne de l’année en 2020 pour Une Femme se déplace. Aussi bonne chanteuse que comédienne, on regrette juste que ses interventions soient rares, l’action étant trop dispersée entre les autres protagonistes de l’histoire.

Quelques trouvailles scéniques assez drôles (les personnages changent à toute vitesse dans le même lit conjugal) émaillent le spectacle, mais on peine à suivre toutes les péripéties causées par ce vent de folie. D’autant plus qu’aux tribulations présentes viennent se rajouter des histoires ressurgies du passé. L’ensemble de la troupe ne manque pas d’énergie mais les rôles aussi improbables que députée européenne ou qu’homme d’affaires sont plus ou moins convaincants. Cela crée des ruptures de rythme et des longueurs dans un spectacle qui mériterait d’être resserré.

La Force qui ravage tout , Espace Cardin jusqu’au 27 janvier, www.theatredelaville-paris.com
Texte, mise en scène et musique : David Lescot. Assistant à la mise en scène : Aurélien Hamard Padis. Chorégraphie : Glysleïn Lefever assistée de Rafaël Linares Torres. Direction Musicale : Anthony Capelli. Scénographie : Alwyne de Dardel assistée de Claire Gringore. Costumes : Mariane Delayre. Perruques : Catherine Saint Sever. Lumières : Matthieu Durbec. Son : Alex Borgia.
Avec Candice Bouchet, Elise Caron, Pauline Collin, Ludmilla Dabo, Marie Desgranges, Matthias Girbig, Alix Kuentz, David Lescot en alternance avec Yannick Morzelle, Emma Liégeois, Antoine Sarrazin, Jacques Verzier.

Tournée. Du 1er au 4 fév, CDN, Tours. 28 février et 1er mars, Château Rouge, Annemasse. 10 mars, Théâtre de Rungis. 16 et 17 mars, Scène nationale de Perpignan. Du 25 au 27 mai, MAC Créteil. 8 juin, Scène nationale de Quimper.

Photo : Christophe Raynaud De Lage

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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