L’Avalée des avalés d’après Réjean Ducharme

La Bérénice du Québec

L'Avalée des avalés d'après Réjean Ducharme

Le Théâtre du Nouveau Monde de Montréal, que dirige Lorraine Pintal, est venu créer son nouveau spectacle dans le off d’Avignon, avant le reprendre à Paris, aux Déchargeurs, en novembre. C’est un événement : miniature si l’on prend en compte la dimension du décor qui est une sorte de boîte ouverte, où s’impriment quelques estampes fragmentées et où vit un trio d’acteurs pendant une heure et demie, maximal si l’on en mesure le plaisir provoqué par cette transposition d’une part de l’énorme roman de Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés, l’un des sommets de la littérature québécoise contemporaine. A l’intérieur de cette fresque, Lorraine Pintal a retenu la figure de Bérénice, une petite fille qu’on voit grandir de façon explosive et qui pourrait nous rappeler – dans d’autres styles – l’Alarica de Le Mal court d’Audiberti et la Zazie dans le métro de Queneau. Mais ici point de royaume à diriger ou d’hommes libidineux à rabrouer dans le métro. Bérénice a un père juif invisible et tout puissant et une mère catholique pleine de principes – des parents qui ne s’aiment pas. Elle serait d’une solitude infinie s’il n’y avait pas son frère qu’elle aime d’un amour de plus en plus incestueux au fur et à mesure de sa course vers l’adolescence. Ils iront voyager ensemble. Elle partira seule en Israël, pour vite revenir…
Ne prenez pas cette histoire tout à fait au pied de la lettre. D’ailleurs, Ducharme ne sait écrire au pied de la lettre, mais au plus haut de la lettre dans une passion enfiévrée du langage, dans une fantaisie qui décale la réalité et la place dans la lumière d’une comédie noire, rieuse et sensible, à la poésie furieuse. Sarah Laurendeau, dans le rôle de Bérénice, est pour les Français une révélation. Elle est éclatante, donne de l’enfance toutes les voix enfantines et adultes, toutes les couleurs tendres et blessées. Louise Marleau est, dans l’arrière-plan, une parfaite représentation de la mère fermée sur son savoir de grande personne. Benoît Landry joue le frère dans une jolie composition de jeune homme dépassé. Lorraine Pintal a réglé avec une formidable agilité l’un des plus beaux envols de la littérature vers le théâtre.
Vu au Théâtre du Petit Louvre au dernier Festival Off d’Avignon, le spectacle est repris actuellement à Paris au Théâtre des Déchargeurs

L’Avalée des avalés
D’après le roman Réjean Ducharme
Adaptation et mise en scène Lorraine Pintal
Scénographie Charles Binamé
Lumières Anne-Marie Rodrigue-Lecours
Avec Benoît Landry, Sarah Laurendeau & Louise Marleau

Les Déchargeurs jusqu’au 8 décembre à 19h30 tel 01 42 36 00 50
www.lesdechargeurs.fr

Photo Yves Renaud.

A propos de l'auteur
Gilles Costaz
Gilles Costaz

Journaliste et auteur de théâtre, longtemps président du Syndicat de la critique, il a collaboré à de nombreux journaux, des « Echos » à « Paris-Match ». Il participe à l’émission de Jérôme Garcin « Le Masque et la Plume » sur France-Inter depuis un quart...

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