Jean-Pierre Bigard : “ Face aux difficultés de nos théâtres, soyons attentifs à la qualité !

Jean-Pierre Bigard, directeur du Palais des Glaces

Jean-Pierre Bigard : “ Face aux difficultés de nos théâtres, soyons attentifs à la qualité !

Webthea : Jean-Pierre Bigard vous êtes producteur de spectacles et vous avez acheté le Palais des Glaces en 2002 . Qu’est-ce qui vous motive ?

Jean-Pierre Bigard : J’étais d’abord producteur de spectacles, plutôt spécialisé dans le one-man-show et la comédie. Et, comme beaucoup de producteurs j’avais besoin de quelque chose de solide. Mon rêve était d’avoir un théâtre, avec la liberté de programmer les artistes que j’aime. C’est pourquoi je me suis lancé dans cette aventure.

Webthea : En effet, il faut aimer les risques. Est-ce qu’il vaut mieux avoir un théâtre et passer à la production ou commencer par la production pour pouvoir acheter un théâtre ?

Jean-Pierre Bigard : Ce sont deux métiers différents et complémentaires. Mon métier de directeur de théâtre consiste à construire une programmation. Celui de producteur, à accompagner des artistes et des carrières. Un directeur de théâtre, la plupart du temps, accueille des artistes qui ont leur propre producteur.

Webthea : Le monde du spectacle connaît depuis plus d’un an et demi une crise. On entend assez peu les théâtres privés, ou les producteurs qui, comme vous, proposent des comédies et des one-man-show. Quel est votre point de vue sur votre secteur ?

Jean-Pierre Bigard : Dès la création d’un spectacle, il y a une grande différence entre les one-man-show et le théâtre. Avec une pièce de théâtre, on peut obtenir des aides, notamment bénéficier du Fonds de soutien aux théâtres privés. Quand vous produisez un one-man-show, vous êtes tout seul. Les risques sont plus grands. Ensuite, le public vient d’abord voir un individu. Vous avez alors besoin de la promotion qu’apporte la télévision. Sinon c’est très difficile. C’est un peu différent avec le théâtre. Il a d’autres atouts, et il peut souvent se contenter du support de la presse écrite.
Maintenant les télévisions viennent au secours du succès. Quand on a besoin d’elles, elles ne sont pas là. Elles prennent comme prétexte le manque de notoriété des artistes. C’est audience, audience, audience et audimat !
Pour des raisons économiques, les théâtres ont souvent une double et parfois une triple programmation. L’offre de spectacles est donc de plus en plus importante tandis que l’espace à la télévision se réduit de plus en plus. La multiplication des émissions de télé-réalité se fait notamment au détriment du temps qui était consacré à la promotion des one-man-show et des spectacles d’humour.


Webthea : Comment se passe la rentrée théâtrale parisienne dans le secteur privé ?

Jean-Pierre Bigard : L’année dernière avait déjà été une année très difficile, et la profession connaît encore une importante baisse de fréquentation. La généralisation des 35 heures a sans doute une influence. Les Parisiens profitent de week-end de 3 voir 4 jours pour partir de la capitale. Et, s’ils partent le week-end, ils font le choix de ne pas aller au théâtre dans la semaine. D’autre part, l’augmentation du nombre de spectacles réduit la part de chacun - c’est mathématique - et ne favorise pas forcément la qualité...

Webthea : Les directeurs de théâtre ont cependant une part de responsabilité à cette situation.

Jean-Pierre Bigard : Oui certainement. Il y a un aspect pervers aux aides dont bénéficient les théâtres producteurs. On se dit qu’avec les aides, les risques sont un peu moins importants, ils sont partagés. Donc on est moins exigeants sur la qualité et l’originalité du spectacle. Je crois qu’on ne propose pas en ce moment ce que le public a envie de voir. Quand vous proposez un bon spectacle, que le public a envie de voir, il se déplace. J’accueille en ce moment Nicolas Canteloup, au Palais des Glaces. Il vient de démarrer. C’est un excellent spectacle, la salle est pleine et on refuse du monde. Il y a donc encore des possibilités, mais les directeurs de théâtre doivent être très attentifs à la qualité.

Webthea : A ce sujet, j’imagine que vous avez beaucoup de propositions. Comment choisissez-vous vos spectacles ?

Jean-Pierre Bigard : Je suis très content en tant que producteur car j’ai beaucoup de propositions. Je n’ai pas à aller chercher les artistes. En même temps, il y en a beaucoup que je voudrais produire mais je n’en ai pas les moyens. Je n’accepte que si je peux vraiment m’en occuper, ce qui limite le nombre. Le choix est très difficile et je n’ai pas la prétention d’avoir la science infuse, de savoir si un spectacle va marcher ou pas. Je travaille beaucoup au feeling. J’essaie de voir les spectacles avec encore mon regard de spectateur provincial moyen. Je ne les regarde pas en tant que professionnel, à rechercher, par exemple, les détails techniques ou de mise en scène. J’essaye d’abord de me mettre à la place du public. C’est compliqué, périlleux et, bien entendu, je me trompe aussi quelque fois.

Webthea : Quel conseil pourriez-vous donner à un débutant ?

Jean-Pierre Bigard : C’est toujours difficile de donner des conseils. Mais je lui dirais de travailler. Et, quand il a finit de travailler, et bien c’est de continuer de travailler. Le comédien qui fait du one-man-show doit travailler tout le temps. Je lui dirais aussi de ne pas se décourager car les débuts sont souvent très difficiles. Il faut trouver une salle, un producteur, etc. Il y a plein de gens à convaincre. Personnellement, j’aime les gens qui se sont déjà pris eux-mêmes en mains, qui ont des tripes. Qui ne pensent pas qu’un producteur est la solution à tous leurs problèmes. Mon seul conseil, c’est d’avoir un bon spectacle.

Le Palais des Glaces

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Gilles Dumont

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