Don Quichotte d’après Miguel de Cervantès

Un spectacle ingénieux

Don Quichotte d'après Miguel de Cervantès

Mettre en scène Don Quichotte voilà un projet à peu près aussi fou et ambitieux que les rêves de cet Alonso Quijano, héros du roman de Cervantès. Orson Welles s’y était autrefois essayé sans pouvoir achever le film, Terry Gilliam aussi qui n’en finit pas d’en annoncer la parution et qui a finalement filmé l’échec du tournage (qui enchaîne les catastrophes) dans Lost in la Mancha avec Jean Rochefort (2002). Jérémie Le Louët s’y est donc attaqué en toutes connaissances de cause, par la bande, en imaginant un spectacle décalé, second degré qui nous accueille sur un plateau de tournage... Le parti pris ne manque pas d’humour et s’avère très permissif. Devant la magnifique façade du château de Grignan, le metteur en scène a monté ses tréteaux. Le spectacle commence par un faux débat. Jérémie Le Louët (Don Quichotte en armure) et Julien Buchy (traducteur puis Sancho Panza) sont assis à table et répondent à côté aux questions posées par des spectateurs qui sont bien sûr les comédiens ("Pourquoi Don Quichotte ?Comment traiter la scène des moulins ? Comment traduire ? Avez-vous lu des romans de chevalerie ?"). Prologue amusant qui donne le ton. Puisqu’on est au cinéma, des décors de carton-pâte sont installés puis écartés, un cactus, des meules de foin, une caméra filme les scènes et aussi le public pour une digression assez drôle qui donnera lieu plus tard à un jeu avec les spectateurs sollicités pour se lever et crier « Je suis en colère et je ne vais plus accepter cela, nous ne sommes pas des moutons » démontrant ainsi notre instinct grégaire. Le spectacle joue tout du long avec habileté de la fiction et de la réalité au risque de perdre Don Quichotte en route. Ce pauvre hidalgo est ici bien maltraité et, ce que l’on regrettera le plus, plutôt ridiculisé. Son entrée en scène sur son cheval à roulettes fait rire mais détourne le propos de Cervantès. On perd de vue l’idéalisme du personnage, sa folie créatrice, et la dimension épique du roman. La satire des romans de chevalerie est brossée à gros traits.
L’ingénieux chevalier à la triste figure apparaît comme un prétexte à un ingénieux spectacle populaire ; saluons le savoir-faire et l’imagination du metteur en scène, le talent des acteurs tous épatants avec une mention particulière pour l’excellente Dominique Massa. La mise en scène évoque souvent le joyeux délire des Monty Pythons, et pourquoi pas ? Jérémie Le Louët a réussi à nous faire croire qu’il est décidément impossible d’adapter Cervantès au cinéma comme au théâtre (comme c’est malicieusement évoqué dans une pseudo-cérémonie des Molières très drôle) et à faire de cet échec un spectacle réjouissant et convivial.

Don Quichotte d’après Miguel de Cervantès, adaptation et mise en scène, Jérémie Le Louët. Avec Julien Buchy, Anthony Courret, Jonathan Frajenberg, Jérémie Le Louët, David Maison et Dominique Massat ; scénographie, Blandine Vieillot ; costumes, Barbara Gassier ; vidéo, Thomas Chrétien, Simon Denis et Jérémie Le Louët ; lumière, Thomas Chrétien ; Son, Simon Denis. A partir de 13 ans. Durée : 2heures.
Au Théâtre 13/Seine du 8 septembre au 9 octobre septembre 2016 à 20h. Résa : 01 45 88 62 22.
www.theatre13.com

© Jean-Louis Fernandez

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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