Amour et Psyché
Omar Porras revisite joyeusement le mythe
Psyché, la pièce de Molière est une tragédie–ballet qui sent l’œuvre de commande ; le thème mythologique des amours entre une mortelle (Psyché) et un dieu (Cupidon) ne donne pas lieu à des développements passionnants. On connaît les histoires de rivalités entre les dieux et les hommes et les méchantes et faciles vengeances divines. La beauté de Psyché fait de l’ombre à la déesse Vénus qui envoie son fils Cupidon la punir de tant d’audace. Mais Cupidon tombe amoureux de la belle mortelle. Furieuse Vénus invente quelques épreuves impossibles dont Psyché s’acquitte miraculeusement sans se méfier des ruses de la déesse. Finalement Cupidon s’en remet à Zeus et obtient l’immortalité pour Psyché, ce à quoi consent Vénus car ainsi la rivalité disparaît. Psyché triomphe de tous les obstacles dans une sorte d’aveuglement instinctif. Elle vainc toutes ses peurs pour accéder à l’amour éternel. De cette histoire sans grand intérêt dramaturgique, le metteur en scène colombien Omar Porras fait un spectacle baroque éblouissant. Pour façonner son projet, il a puisé aux sources des origines convoquant les arts premiers (le spectacle commence sur une scène primitive avec masques polynésiens et feu rituel), s’est évidemment référé à la mythologie grecque (Les Métamorphoses d’Apulée) mais aussi à La Fontaine, Thomas Corneille (frère de Pierre) et encore à des librettistes italiens. Son savoir-faire et son goût pour le merveilleux s’expriment ici magnifiquement pimentés d’humour telle l’entrée de Cupidon— Philippe Gouin— dans ses atours de roi Soleil ou ce numéro irrésistible de Jonathan Diggelman et Philippe Gouin dans la peau des deux méchantes sœurs qui loin d’avoir la beauté que leur prête Apulée évoquent plutôt les méchantes sœurs de Cendrillon ; de même Psyché (Jeanne Pasquier) surprend avec ses cheveux bleus et ses attitudes un peu gauches d’ado mal dans sa peau. Magie et machinerie théâtrales, effets visuels, pyrotechnie, gros roulements de tonnerre et musique haute en couleurs (Emmanuel Nappey), ingéniosités scénographiques (Fredy Porras), costumes célestes et évanescents superbes (Elise Vituel), et surtout un grand art du second degré contribuent à revitaliser le sujet dans une recréation récréative.
Amour et Psyché, d’après Molière, adaptation Marco Sabbatini, Omar Porras,, Odile Cornuz ; mise en scène Omar Porras ; scénographie, Fredy Porras ; luières, Mathias Roche, costumes Elise Vituel, création et univers sonore, Emmanuel Nappey. Avec Yves Adam, Jonathan Diggelman, Karl Eberhard, Philippe Gouin, Maëlla Jan, Jeanne Pasquier, Emmanuelle Ricci, Juliette Vernerey. A Malakoff, théâtre 71 jusqu’au 18 avril 2019.
© Mario del curto