Au théâtre de la ville-Les abbesses jusqu’au 13 mai 2025
Médecine générale d’Olivier Cadiot
Le metteur en scène Ludovic Lagarde, l’écrivain Olivier Cadiot et le comédien Laurent Poitrenaux travaillent ensemble depuis longtemps, ils sont souvent rejoints par Valérie Dashwood. La première collaboration entre ’écrivain et le metteur en scène date de 1993 avec Sœurs et frères à la Comédie de Reims que Ludovic Lagarde dirigera de 2009 à 2018. Le duo, qui fonctionne bien, a offert des spectacles souvent étonnants, audacieux dont l’extraordinaire Colonel des zouaves interprété en solo par Laurent Poitrenaux pendant plus de deux décennies (1997) ; Retour définitif et durable (2002), Fairy queen (2004), avec Laurent Poitrenaux et Valérie Dashwood, etc).
Parfois, quand on se connaît trop bien, on se comprend à demi-mot, voire d’un seul regard. À être trop en phase l’un avec l’autre, ils ont poussé l’aventure théâtrale un peu trop loin sans mesurer qu’ils risquaient ainsi de laisser le spectateur à la porte. Quelle drôle de chose que ce Médecine générale qu’on ne sait pas par quel bout prendre. Une sorte de puzzle dont les pièces auraient été malicieusement dispersées par un esprit facétieux qui attendrait goguenard de voir si on est capable de le remettre en ordre pour accéder à l’image représentée. Mais celle-ci se dérobe sans cesse.
Heureusement, la note d’intention donne une petite piste de compréhension. Trois personnages sont en deuil : un écrivain de son demi-frère, une anthropologue de ses racines, et un jeune musicien de ses parents. Ils décident de faire retraite dans la maison d’enfance de l’anthropologue, maison désignée sous le nom de Cordélia, la gentille fille bannie du roi Lear, afin de tenter de reconstruire ensemble leur vie. La tentative de remettre les compteurs à zéro accouche d’un échec fracassant en grande partie dû à l’écrivain névrosé et autoritaire qui prend le pouvoir pour se consoler de sa vie ratée et fait chavirer l’entreprise, en même temps que la planète ne tourne plus rond. Des électrons libres flottent en suspension : un cosmos en création, la Sainte Trinité dans laquelle le trio joue à se reconnaître, un chevalier perdu. Ça et là, la langue de Cadiot flamboie, prend des tangentes poétiques puissantes. Mais l’adaptation du texte et la mise en scène s’allient pour obscurcir le propos. La scénographie immaculée ne raconte pas grand-chose. Les personnages peinent à exister, excepté faite de Pierre (Alvise Sinia, excellent pianiste et compositeur de la musique du spectacle) qui touche par son inadéquation au monde ordinaire. Musicien génial à l’oreille absolue, Pierre est dans son monde, enfermé et libre tout à son bonheur avec ses bidouillages sonores sur un vieux Revox à bandes magnétiques d’un autre temps. Seul le talent des comédiens sauve le spectacle d’un sentiment d’entre soi par trop hautain. Parions que, cette fois, le texte de Cadiot serait allergique à la scène.
Médecine générale, texte, Olivier Cadiot ; Mise en scène, Ludovic Lagarde. Avec Valérie Dashwood, Laurent Poitrenaux, Alise Sinia. Scénographie, Antoine Vasseur. Lumières, Sébastien Michaud. Costumes, Marie La Rocca. Composition musicale et sonore, Alvise Sinivia. Son de David Bichindaritz, Jérome Tuncer. Vidéo, Jérome Tuncer. Au Théâtre de la ville- Les Abbesses jusqu’au 13 mai.
Durée : 1h40.
www.theatredelaville-paris.com
© Mariano Barrientos
Médecine générale d’Olivier Cadiot, éditions P.O.L.2021 (Grand prix de la fiction de la Société des Gens de Lettres)
