Théâtre de Paris, Paris
La 21ème Nuit des Molières
La maison de Molière mise à l’honneur
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- 16 mai 2007
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Effervescence au Théâtre de Paris, il est le « théâtre » des opérations de la grande soirée de France Télévisions. Car, il faut bien le reconnaître, le théâtre est le parent pauvre de la télévision, jouant les oiseaux de nuit avec, il est vrai, une tentative dominicale sur la 3 consacrée au bon boulevard de Papa. La Nuit des Molières prêche la réunion et le rassemblement des frères ennemis : le théâtre privé et le théâtre public. Cette année, tout semble avoir été mis en œuvre pour que la soirée se déroule dans un sentiment de réunion, d’apaisement des conflits et de rapprochement des factions, c’est dans l’air du temps !
Ce que vous ne voyez pas l’écran
Cette année les abords du théâtre sont accessibles sans que les invités soient obligés de passer par plusieurs cordons de sécurité. Il est assez agréable de rentrer dans un théâtre sans avoir à présenter ses pièces d’identité. Donc pas de CRS en rang d’oignons, pas de ministre, pas de manifestants, pas d’intermittents. CQFD. Certes le folklore y perd, mais l’ambiance bon enfant satisfait les badauds et les chasseurs d’autographes venus traquer les vedettes. Le bon public peut voir comme on s’aime ! Quelle belle fête de famille, on s’embrasse à tire bisous, on s’étreint, on dit à l’oreille un merde complice aux finalistes. On s’aime et on y croit !
Dans la salle Il y a trois grandes catégories : les nominées placés stratégiquement, afin que les cameramen puissent filmer les mines inquiètes ou réjouies, le fauteuil servant de dossard ; les personnalités de la culture et de la politique particulièrement absentes pour cause de déménagement de bureau ou de consultation chez leur voyante pour leur avenir ; les votants et, bien sûr, votre envoyée spéciale de Webthea.com. Dans la salle avant le top du direct, un brouhaha de reconnaissance règne avec le petit jeu « Suis-je mieux placé que Machin », le nec plus ultra étant d’être filmé. Le top est lancé, nous sommes en direct. On se redresse bien droit dans son fauteuil, on applaudit poliment Karine Le Marchand qui assure la présentation. Cette charmante demoiselle animant l’émission Les maternelles, on se pose la question : le théâtre a-t-il besoin d’être materné pour passer en prime time ? Ce choix révèle également l’absence cruelle d’émissions uniquement consacrées au théâtre. Jacques Weber, le Président d’Honneur de la soirée, lance le cri de ralliement de la soirée "Tous au théâtre".
Le sacre d’un génie
Première surprise, on commence par un gros morceau, le Molière du comédien. Le choix est difficile, voire Cornélien, même si le résultat semblait inévitable. Robert Hirsch remporte le Molière devant Michel Bouquet, Michel Piccoli, Michel Vuillermoz et Jacques Gamblin. On notera que ce n’était pas l’année des Michel et que les absents ont toujours tord. Robert Hirsch, merveilleux Gardien de Pinter, est pétrit d’émotion et de générosité. La salle se lève dans un bel élan spontané. Son compliment est drôle, émouvant, et il rend un bel hommage à Michel Bouquet.. L’heureux élu prouve que l’on ne s’habitue pas aux Molières puisqu’il le reçu déjà à trois reprises pour « Le bel air de Londres », « En attendant Godot » et pour « Le misanthrope ». Mais n’est-il pas normal pour un ancien sociétaire de la Comédie Française de recevoir la statuette dorée à l’effigie du patron. Autre lauréat, déjà plusieurs fois primé et ancien locataire de l’illustre théâtre, Michel Aumont. Il « combat » dans une nouvelle catégorie, créée pour faire taire les esprits chagrins qui s’étaient élevés contre la suppression des catégories de One man show, le Molière du spectacle seul(e) en scène. Le magnifique interprète de « A la porte », ironisa sur le fait de se retrouver sur la scène du Théâtre de Paris avec la troupe des très toniques « Hors la loi ». Michel Aumont détient le record avec quatre Molières. Il est tout simplement exceptionnel, courrez vite le voir au Théâtre de l’œuvre.
Cyrano, le chouchou du public, que dis-je, un mythe, un triomphe
que connaît la Comédie Française avec le cocardier personnage d’Edmond Rostand, mis en scène par Denis Podalydés, qui pour notre part nous laissa quelques peu dubitatif, mais le public aime ! Michel Vuillermoz, qui est un très bon Cyrano, était dans une catégorie où pour avoir une chance de l’emporter il faut avoir passé les 70 ans. De la patience, il y arrivera. Cette perfidie n’enlevant en rien le mérite de Robert Hirsch que nous avons plébiscité. Par contre les costumes, les décors, la lumière et le second rôle, en la personne fort séduisante d’Eric Ruf couronne ce Cyrano. Les organisateurs auraient dû installer un fauteuil sur scène pour Eric Ruf puisqu’il représentera ses camarades absents, emportant une belle moisson de Molières.
Muriel Mayette, administrateur de la Comédie Française peut se réjouir de voir enfin la maison de Molière récompensée par la profession. Mais c’est également Muriel Mayette, metteur en scène du très controversé « Retour au désert », qui voit Catherine Hiegel recevoir un Molière pour un second rôle et Martine Chevallier pour le Molière de la comédienne. Sa joie, son émotion et l’hommage pudique qu’elle fit à son metteur en scène était un joli moment.
Ces deux prix viendront un peu panser la blessure de ce spectacle dont l’exploitation est interdite par le frère de Koltés, de façon parfaitement arbitraire et qui pose le problème de la représentation théâtrale et de la vie des œuvres.
La Comédie Française s’est taillé la part du lion. Certains spectacles repartent bredouilles malgré leurs nominations comme « Cabaret » ou « Chocolat Piment » et le ravissant « Jardin » de Brigitte Buc qui aurait mérité un prix. Le bonheur de l’équipe du « Cabaret des hommes perdus » que nous avions remarqué dans nos colonnes étaient communicatif. Nous signalons au réalisateur de la soirée que le metteur en scène filmé comme étant Jean-Luc Revol était Jean Bouchaud celui du « Jardin ».
Un talent lumineux Sara Giraudeau
Le grand public a pu découvrir les grands yeux de La révélation théâtrale, Sara Giraudeau épatante dans la très tonique « Valse des pingouins ».Nous avions apprécié sa composition cocasse d’une jeune fille atteinte d’une curieuse prononciation. Son compliment pétrit de reconnaissance, d’amour et de vraie pudeur était un joli moment d’émotion, contrebalançant avec la goujaterie de Jérôme Savary qui fut hué par l’assistance. Dommage
Laurent Terzieff et sa compagnie reçoit le prix de l’ADAMI
Il donne un message d’espoir dans un discours sobre et beau, tout à son image. Terzieff a un statut particulier dans le métier. Il est unanimement respecté, admiré, son travail sans compromis est plus qu’un exemple, il est l’honneur et la personnification du talent. La salle se lève pour un vibrant hommage et le grand homme est ému. Et nous, un peu confus de son trouble qui révèle toute la délicatesse du personnage.
A l’année prochaine si tout va bien ?
Le palmarès est comme tous les palmarès, il fait son lot de contents et de mécontents. Nous espérons qu’il ne faudra pas attendre un an pour que l’on parle de théâtre avant minuit !
On regrettera l’absence de quelques vedettes nominées qui n’ont pas jugé utile de venir de peur de ne pas être distingué, remarqué. On regrettera le manque d’élégance vestimentaire des participants. A quelques exceptions près, les grands couturiers ne voudraient-ils plus habiller nos comédiens ? Néanmoins la soirée s’est passée sans trop de bâillement et la chaîne avait mis au point une stratégie imparable, le raccourcissement de la robe de Karine Le Marchand, au moindre zapping. Maintenant, il faudra attendre les répercussions de l’effet Molière. Nous espérons que les salles seront pleines et que le slogan "Tous au Théâtre" sera entendu. Notre Président de la République saura donner au théâtre, les armes pour être populaire et fort.
Aller tous debout !
De notre envoyée spéciale Marie-Laure Atinault