Percutant diptyque Preljocaj

• Publié par Noël Tinazzi
• 11 avril
• Critiques
• Danse
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En 2001, Angelin Preljocaj découvre le quatuor pour cordes et quatre hélicoptères, le Helikopter-quartet, écrit en 1996 par le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen (1928-2007). Une œuvre qui a marqué son époque avec le vrombissement assourdissant des rotors servant de basse continue aux notes jouées par les quatre musiciens. La chorégraphie élaborée par Preljocaj en collaboration étroite avec le compositeur leur répond par une danse très concentrée au geste pur et ciselé.

La reprise de cette pièce mythique au Théâtre Sarah Bernhardt a conservé intact son impact tellurique. En état d’alerte permanente, les corps des six interprètes repliés sur eux-mêmes se déploient sous l’influence des pales imaginaires et des glissandi du Quatuor Arditti. Extraordinairement technique, rapide et précise, la danse reste proche du sol, lequel se transforme visuellement sous les pas des danseurs. Selon un dispositif interactif très sophistiqué, les vidéos en noir et blanc très graphiques de Holger Förterer interagissent avec les pas des danseurs et se transforment, ajoutant au pouvoir hypnotique de la pièce dont on sort un peu sonné.

Dans le spectacle d’une heure trente sans entracte, la transition entre les deux ballets très dissemblables est assurée par des extraits de la belle interview de Stockhausen par Preljocaj, filmée par Olivier Assayas en 2007. Avec délicatesse et gourmandise, le compositeur y exprime son ravissement de voir son œuvre, qu’il considère comme un tout organique avec ses jaillissements de rythmes et ses tempi, transcrite dans l’espace de la danse.

Énergie démultipliée

S’enclenche ensuite de manière très fluide Licht, dont la création mondiale couronne la soirée. Le titre de la pièce, qui signifie lumière en allemand, dit assez le contraste avec le caractère crépusculaire de la précédente. L’effectif doublé de douze danseurs regroupés en trios et duos se déploie avec un énergie démultipliée par la musique originale de Laurent Garnier dont les pulsations vont crescendo. Dans le fameux DJ, star planétaire, avec il a déjà travaillé, Preljocaj voit le « petit-fils putatif » de Stockhausen.

Licht a été conçu par le chorégraphe comme une forme de résistance à la force déployée par Stockhausen. « Comme si l’on sortait d’une chape de nuages orageux », précise-t-il dans le programme. La création se veut donc lumineuse, solaire, avec des images saisissantes de corps qui apparaissent dans des ronds de lumière sur le fond de scène, comme vus à travers des jumelles tendues vers l’avenir. Ainsi ces doigts de deux danseurs qui s’étirent jusqu’à se toucher et qui font penser à la Création du monde peinte par Michel-Ange sur le plafond de la Chapelle Sixtine. Autant de lueurs d’optimisme et de foi dans la création qui veulent percer l’obscurité du présent.

Helikopter et Licht, du 10 au 19 avril, puis du 28 avril au 03 mai, au Théâtre Sarah Bernhardt, Paris, https://www.theatredelaville-paris.com

Licht. Musique originale : Laurent Garnier. Lumières : Éric Soyer. Costumes : Eleonora Peronetti. Choréologue : Dany Lévêque
Avec Liam Bourbon Simeonov, Clara Freschel, Mar Gomez Ballester, Paul-David Gonto, Lucas Hessel, Verity Jacobsen, Florette Jager, Beatrice La Fata, Yu-Hua Lin, Florine Pegat-Toquet, Valen Rivat-Fournier, Leonardo Santini.

Tournée
Pavillon Noir, Aix-en-Provence, du 13 au 17 mai.
Miramas, Théâtre La Colonne, 03 juin.
Tours, Théâtre Olympia, 06 juin.
Marseille, La Criée, du 11 au 14 juin.
Bolzano (Italie) Teatro Comunale, 18 juille.
Ollioules, Amphithéâtre de Châteauvallon, du 24 au 26 juillet.
Aix-en-Provence, Théâtre de l’Archevêché, les 30 et 31 juillet.
Mougins, Scène 55, 06 mars 2026.
Dijon, Auditorium de l’Opéra, 05 mai 2026.
Tirana, Opéra, Octobre 2026.

Photo : Yang Wang