Paris, Studio théâtre jusqu’au 9 mai 2010

Le Banquet de Platon

L’amour de la philosophie

Le Banquet de Platon

Le Banquet a beau être théâtral par son écriture dialoguée, le mettre en scène est un pari que réussit avec élégance Jacques Vincey et les comédiens Thierry Hancisse, Serge Bagdassarian et Pierre-Louis Calixte, qui portent la parole de Platon plus qu’ils n’incarnent les différents protagonistes. Le texte, écrit au IVe siècle avant Jésus-Christ, joue sur des présupposés qui échappent à la plupart d’entre nous, sauf les férus de lettres classiques ou les lycéens de classe terminale qui étudient le texte inscrit au programme. Mais peu importe qu’on ne connaisse pas les rituels des banquets de l’époque qui étaient l’occasion, entre deux libations, de joutes oratoires entre artistes et philosophes, d’imitations des auteurs à la mode, d’éloges des dieux (qui n’étaient jamais loin) et de maïeutique. Peu importe aussi qu’on ne soit pas au fait de la place de la pédérastie dans la société antique. Au fil du spectacle, le texte s’éclaire grâce à une mise en scène intelligente et sobre qui ne dédaigne pas l’humour, et à la finesse du jeu des comédiens épatants qui rendent le discours philosophique vivant et lumineux. Un exercice de haute voltige qu’ils accomplissent en virtuoses.

Il n’est pas inutile de savoir que le sous-titre du Banquet est « sur l’amour » ; en effet il ne sera d’abord question que d’Eros jusqu’à ce que, grâce à l’intervention brillante de Socrate, maître es maïeutique (ou l’art d’accoucher), on comprenne qu’on parle ici philosophie et non pas gaudriole, que l’amour, plus qu’une métaphore, est entendu comme le moteur de toute connaissance, l’esprit ainsi fécondé accouchera du discours. La démonstration passe par la narration de la relation tumultueuse entre le jeune et bel Alcibiade et le maître Socrate (dont Platon était le disciple) d’où il apparaît que la véritable beauté, et la véritable richesse est celle de l’âme.
Le scénographe Mathieu Lorry-Dupuis a conçu une mise en abyme des différents espaces qui n’est pas sans évoquer la sombre caverne de Platon. Le dispositif est surtout à l’image du texte qui enchâsse les récits qui s’éclairent les uns les autres en offrant différents points de vue sur la question de l’amour. Au premier plan, est figurée la table symbolique du banquet sur laquelle brillent dans la pénombre les coupes de vin de cette fête dionysiaque des plaisirs du corps et de l’esprit qui fait l’éloge de la soif de connaissance et de l’ivresse du savoir. Un spectacle qui a de l’esprit de finesse et de la profondeur.

Le Banquet de Platon. Traduction Luc Brisson. Adaptation et dramaturgie : Frédéric Vossier. Mise en scène : Jacques Vincey avec Serge Bagdassarian, Pierre-Louis Calixte, Thierry Hancisse. Scénographie : Mathieu Lorry-Dupuis. Lumières : Marie-Christine Soma. Musiques et sons : Alexandre Meyer. Au studio Théâtre de la Comédie-Française jusqu’au 9 mai. Durée : 1h30. Tel : 01 44 58 98 58.
www.comedie-francaise.fr

photo Cosimo Mirco Magliocca

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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