Luciano Berio et consorts par l’Ensemble Intercontemporain à la Cité de la Musique le 24 octobre
Heureux anniversaire
Quand la célébration du centenaire de Luciano Berio est aussi l’occasion de créations de jeunes compositrices, pour un tout bien transmis.
- Publié par
- 27 octobre
- Critiques
- Opéra & Classique
- 0
-
NÉ PRÉCISÉMENT LE 24 OCTOBRE 1925, Luciano Berio aurait eu exactement 100 ans ce jour du concert qui lui rend hommage à la Cité de la Musique. L’Ensemble Intercontemporain se déploie pour l’occasion avec ses Folk Songs, associés à deux créations mondiales et deux créations françaises de jeunes compositrices d’aujourd’hui. Dans l’héritage de Berio en quelque sorte. La pièce d’Eva Reiter (née en 1976 à Vienne), Irrlicht (Feu follet), datée de 2012 en création française, commence le concert bravement dans ses sonorités de bruitage pourvues de diverses percussions et un soutien électronique ad hoc. Suit Pure Bliss (Pur Bonheur), daté de 2022, toujours en création française, de la compositrice croate établie à Leipzig Sara Glojnarić (née en 1991), dans un sentiment contraire, étale en manière d’ostinato ici aussi soutenu par l’électronique. Vient ensuite Cauldron of Mania (Chaudron de la manie) de la compositrice chinoise Ni Zheng (née en 1997) établie à San Diego, en création mondiale, autre page brève, cette fois d’un caractère solennel et sombre pourvu de moments exacerbés.
Bel hommage
L’après d’entracte s’ouvre par une autre création mondiale, S.M.B (South Memphis, Bitch) de Zara Ali (née en 1995), originaire de Memphis précisément et elle aussi établie à Leipzig. Une page de forme discursive, pour un discours de timbres variés, accompagnés de paroles enregistrées (évoquant les affres que subit la ville de Memphis). Chacune de ces quatre pièces est accompagnée d’une très présente électronique en contrepoint de l’instrumentation.
Puis, place à l’hommage à Luciano Berio (disparu en 2003) avec le cycle mélodique de ses Folk Songs. L’œuvre, pour cantatrice et une formation de chambre de sept instrumentistes (dont deux ensembles de percussions), avait été créée en 1964 sous la direction du compositeur avec le chant de Cathy Berberian (épouse et dédicataire de l’œuvre). Elle distille onze mélodies issues de traditions folkloriques (des États-Unis, d’Arménie – pays d’origine de Cathy Berberian –, de l’Italie natale du compositeur, d’Auvergne en langue vernaculaire auvergnate et d’Azerbaïdjan). Ou un parcours de folklores de tous pays, à l’image de la vocation du compositeur. L’ensemble mélodique étant pour un chant délié, porté par une orchestration toute en délicatesse.
L’Intercontemporain se conjugue parfaitement à l’émission vocale élégiaque de la soprano franco-chypriote Sarah Aristidou. Comme il intervient, en plus grand nombre et en juste adéquation dans les pièces précédentes (aidé de l’électronique conduit par Clément Marie). Vimbayi Kaziboni, talentueux chef d’origine zimbabwéenne (la soirée ayant décidément une vocation internationale !) très présent notamment dans le répertoire contemporain, mène le tout avec la précision rigoureuse qui se doit. Pour un moment de célébrations opportun du centenaire d’une grande figure historique de la musique contemporaine.
Illustration : Anne-Élise Grosbois
À lire : Luciano Berio, Écrits sur la musique, édition établie par Angela Ida De Benedictis, préface d’Umberto Ecco, éditions de la Philharmonie, 688 p., 30 €.
Eva Reiter : Irrlicht - Sara Glojnarić : Pure Bliss - Ni Zheng : Cauldron of Mania - Zara Ali : S.M.B (South Memphis, Bitch) - Luciano Berio : Folk Songs. Sarah Aristidou (soprano) ; Clément Marie, électronique ; Ensemble Intercontemporain, dir. Vimbayi Kaziboni. Cité de la Musique, Paris, 24 octobre 2025.
