Festival d’Avignon : Clap de fin et bilan globalement positif

Festival d'Avignon : Clap de fin et bilan globalement positif

Qu’il soit In ou qu’il soit Off, la conférence de presse bilan reste une figure obligée du festival d’Avignon. Tenues à deux jours d’intervalle, les statistiques de l’une et de l’autre, non seulement démentent l’idée reçue de la frilosité du public, mais prouvent qu’il est curieux et avide de découvertes.
Inspiré par l’univers de l’artiste associé Wajdi Mouawad, le programme du In - 42 spectacles dans 21 lieux - dans lequel les artistes invités ont, dans des esthétiques diverses, des vocabulaires artistiques différents, témoigne de l’état de notre planète et des inquiétudes contemporaines (voir les articles de Corinne Denailles, Jean Chollet, Gilles Costaz) a drainé 125.000 spectateurs pour une jauge globale de 133.000 places, soit un taux de fréquentation de 94%.
Pour le Off qui cette année a investi 103 lieux où 825 compagnies ont proposé 953 spectacles, le taux de fréquentation est plus difficilement évaluable, cependant l’association Avignon Festival et Compagnies qui regroupe l’essentiel des lieux et des troupes, a pu constater une forte progression du public. A lui seul, l’afflux des achats de cartes du off - passés de 30289 l’année dernière à 35244 cette année -, démontre que le fouillis des propositions où le pire côtoie le meilleur ne décourage pas les spectateurs et qu’ils restent disponibles aux aventures

Le déficit du rêve

Si le taux de fréquentation a de quoi réjouir, il n’en reste pas moins vrai que l’argent reste le nerf de la guerre. A l’heure des restrictions budgétaires, et comme l’a souligné Hortense Archambault, « le financement du spectacle vivant est de plus en plus problématique ». C’est la raison pour laquelle l’équipe du In plaide « pour que s’accroisse la solidarité entre les théâtres pour accompagner les artistes et surtout se mette en place un plan de relance pour la culture », sujet qui a fait l’objet de nombreux débats et rencontres. En attendant, et pour faire face aux impératifs comptables, la coproduction est la planche du salut en même temps que la pierre d’achoppement. Beaucoup de spectacles présentés au festival, pour ne pas dire la majorité, sont le fruit de coproductions. Souvent créés ailleurs et conçus pour circuler, certains sont mal ajustés au lieu où ils sont programmés et du coup peinent à capter l’attention et l’intérêt du public.
En ce qui concerne cette 63ème édition qui vient de s’achever, si ode Maritime de Claude Régy, Riesenbutzbach. Une colonie permanente de Marthaler et le spectacle chorégraphique d’Israël Galvan ont fait l’unanimité, certains spectacles n’ont pas tenu toutes leurs promesses, notamment, dans la Cour d’Honneur, Casimir et Caroline, spectacle musical écrabouillé par une musique tonitruante, une scénographie faite d’un gigantesque échafaudage dans lequel s’essoufflaient d’excellents comédiens défigurés par des micros HF qui les balafraient et désincarnaient et leur voix et leur jeu.
Le risque de la création ne va pas sans déficit du rêve, ce que semble vouloir ignorer Vincent Baudriller, qui lors de la conférence de presse, et ce fut un moment assez surréaliste, a égrené un à un tous les spectacles programmés les englobant, tel Georges Marchais lors d’un comité central, dans un bilan globalement positif.

Asseoir le off comme lieu de création

Même autosatisfaction affichée du côté du Off, mais plus contestable par la manière dont Christophe Galent, en charge de l’animation, a noué ensemble, pour mieux s’auto-louanger un florilège de courtes citations picorées dans divers journaux. Si tout le monde admet que le Off, par ses parades et ses bateleurs donne un air de fête à la ville qui devient « le plus grand théâtre du monde », rien ne prouve encore, quelque soit son autonomie, qu’il résisterait à la disparition du In. Pérenniser son existence c’est ce à quoi s’emploie Avignon Festival et Compagnies que Greg Germain préside par intérim depuis la disparition d’André Benedetto.
Après avoir demandé une minute de silence en mémoire du père du festival Off, Greg Germain a expliqué qu’un des objectifs d’AF&C est d’augmenter la visibilité du Off et de l’asseoir non comme un lieu de diffusion, mais comme un lieu de création. Entièrement auto financé le Off reste une entreprise de hauts risques, mais le seul endroit où les compagnies peuvent jouer sur la durée et pour les plus chanceuses ou les meilleures, assurer leur survie par les tournées qui suivent l’escale d’Avignon. A cet égard, il est intéressant de noter que sur les 2775 accréditations accordées 1152 émanaient de programmateurs.

Le Festival heureux de Wajdi Mouawad

Des chiffres et du convenu des figures, l’intervention de Wajdi Mouawad fut une parenthèse de vérité et de grâce. Sollicité par Vincent Baudriller à dire comment il avait traversé un Festival dont il fut l’artiste associé, celui que dorénavant le public appelle simplement Wajdi, ne compose pas, ne fait pas d’envolée, évoque simplement, comme au fil de la pensée, les moments forts de ce qui lui apparaît aujourd’hui comme « la conclusion inattendue et peu banale d’un travail de treize ans ». Dit qu’il n’est pas prêt d’oublier, pendant l’odyssée nocturne de sa trilogie dans la Cour d’Honneur, l’image du public emmitouflé à 3h du matin, raconte sa course de fenêtre en fenêtre interrogeant le régisseur pour savoir si le public était toujours là et s’interrogeant « mais pourquoi restent-ils ? », parle de ses rencontres collectives et individuelles avec les spectateurs et les échanges emprunts de douceur qui ont fait du Festival « un moment joyeux ». Pour lui, « s’il y avait eu polémique ça aurait ressemblé à ce qui se passe au Moyen Orient » et d’évoquer alors, son accolade avec le cinéaste israélien Amos Gitaï « un geste inimaginable au Liban », livre des anecdotes qui l’ont touchées, comme ce geste d’une spectatrice croisée un soir dans la rue qui lui tend une boîte en lui disant « Je suppose que vous êtes très occupé et que vous n’avez pas le temps de vous faire à manger, alors je vous ai préparé des pâtes ». Entre le public et l’artiste associé de toute évidence le courant est passé « grâce à vous j’ai eu les pieds sur terre et la tête au ciel » résume une spectatrice.
En équipe avec l’auteur Olivier Cadiot, Christoph Marthaler, autre poète de la scène qui sait faire résonner le monde, sera l’artiste associé de la prochaine édition.

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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