Paris, Théâtre de la Ville du 21 juin au 3 juillet

Chantiers d’Europe Italie

Comme un vent de résistance

Chantiers d'Europe Italie

Dans le droit fil des rêves du Théâtre de la Ville que dirige Emmanuel Demarcy Mota, Chantiers d’Europe Italie se propose de « faire voir et entendre l’Europe des cultures » et d’y participer en étant le lieu « où les artistes reconnus hors des frontières, tout comme les espoirs à découvrir » s’y rencontrent. C’est aussi une façon de démontrer que la fameuse barrière de la langue qui empêcherait le théâtre de voyager est une idée reçue, « que la richesse linguistique véhicule avec elle de nouvelles et originales façons de dire et comprendre le monde et la vie ».
Parmi les artistes qui ont façonné l’Europe théâtrale, Luca Ronconi, qui dirige aujourd’hui ce théâtre de belle mémoire qu’est le Piccolo Teatro de Milan, n’est pas le moindre de ses artisans. C’est avec lui que seront frappés les trois coups d’un festival qui, pour sa première édition et avec la complicité de l’organisation « Face à Face », braque les projecteurs sur l’Italie.

Pour sortir d’une habitude qui veut que de Goldoni à Pirandello, le Piccolo s’exporte, avec dans ses bagages des auteurs italiens, le metteur en scène et sa troupe, s’installeront sur le plateau du Théâtre de la Ville avec une pièce de Jean-Luc Lagarce Juste la fin du monde. C’est dans la traduction italienne de Franco Quadri ( Giusto la fine del mondo ), qu’il nous fera percevoir tout ce qui tremble et se cache derrière la vie d’une famille d’une « banalité explosive ».

Un théâtre engagé

Des Abbesses au Châtelet, de la pièce Le Cinque rose di Jennifer, l’histoire d’un travesti, de son douloureux parcours et de sa solitude, à Furie de sanghe (Hémorragie cérébrale) qui, à partir des avatars d’une famille des Pouilles, « questionne les archétypes (misère, violence, brutalité) attachés à cette région, terre âpre mais splendide » en passant par Lev de la troupe Muta imago qui met en scène, un amnésique, rescapé de la Seconde Guerre mondiale, ou encore La Pecora nera (La Brebis galeuse) d’Ascanio Celestini, auteur d’un théâtre-récit tel Fabbrica et qui, ici, « explore les mécanismes de l’asile psychiatrique » et, ce que Primo Levi appelait, « les zones grises de notre société », c’est « la parole engagée et de résistance » de l’Italie que le Théâtre de la Ville a choisi de nous faire entendre. Non seulement par les spectacles (en italien surtitré) à l’affiche, mais aussi par des lectures et des mises en espace en français, d’auteurs connus ou à découvrir ; parmi ceux-ci
Fausto Paravidino, Marco Calvani, Francesco Silvestri, Marco Baliani…

Les mirobolants paysages sonores de Giovanna Marini

Évidemment un tel programme ne pouvait se clore autrement que par « une belle chantée » de Giovanna Marini, qui avec le Quaterto Urbana a concocté une soirée inédite de chants révolutionnaires. Avec Chants glorieux d’une patrie qui tremble c’est cent ans d’histoires italiennes qu’elle nous fera traverser.
Encore une fois, elle nous emmènera à la découverte de mirobolants paysages sonores où l’on respire à plein poumon l’air vivifiant de la révolte. Giovanna Marini qui appartient à la race des sentinelles, chante comme on manifeste. Entendez par là, qu’elle est d’abord musicienne, et qu’elle chante parce qu’elle a des choses à dire, des réflexions à nous livrer, ce qu’elle fait avec une verve un peu chansonnière entre deux arpèges et en un français savamment écorché.
Avec son quatuor vocal, une forme « qui lui permet d’être en conversation avec le public et de lui raconter des histoires », elle restitue la voix, les cris, les murmures de tout un peuple, femmes, paysans, ouvriers, militants, migrants, nous parle d’une Italie dont on s’est vite aperçu que les maux et les fractures sont frères des nôtres. Que ce soit avec son quatuor vocal, ou dans les spectacles de Pipo Delbono, ou encore dans le spectacle de Charles Tordjman Fabbrica avec son groupe le Quartetto Urbana, ce que chante Giovanna Marini ressort, au même titre qu’une place publique, du plus précieux des lieux communs, puisque nous nous y retrouvons. La raison pour laquelle, sans doute, entre elle et nous, son public, c’est une véritable histoire d’amour que chacune de ses apparitions raffermit.

Chantiers d’Europe Italie du 21 juin au 3 juillet
Théâtre de la Ville/ Théâtre des Abbesses Tel : 01 42 74 22 77

Crédit photographique : Marcello Norbeth/ Ale Calvani

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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