Du 25 septembre au 6 octobre 2024 au TGP - centre dramatique national de Saint-Denis.
Les Grands Sensibles ou l’Education des Barbares par Elsa Granat.
En vue des retrouvailles des plus âgés avec les pitreries de la jeunesse.
- Publié par
- 27 septembre
- À l’affiche
- Théâtre
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Les Grands Sensibles ou L’éducation des Barbares : le titre évocateur du nouveau spectacle d’Elsa Granat met en valeur la nécessité de l’éducation, afin de lutter contre l’avènement des Barbares. Dans sa vision d’une enfance et d’une maturité à revisiter pour une convivialité retrouvée, la conceptrice en appelle à Maria Montessori, psychiatre, anthropologue, militante socialiste et féministe du début du XX e siècle, à l’avant-garde de l’observation et de la compréhension enfantine, pédagogue d’une science de l’éducation.
Aussi après Le Roi Lear shakespearien de son King Lear Syndrome ou les Mal élevés, poursuit-elle sa quête sur la ré-appropriation des fictions de l’héritage littéraire. Conjuguant la poésie de Shakespeare, l’écriture de plateau et sa propre écriture, la conceptrice se saisit à présent de Roméo et Juliette, une histoire d’amour mythique dont la tragédie tient à l’aveuglement parental rivé aux principes d’une haine ancestrale aboutissant à la fin ultime des deux amants. Si ce n’est que que les parents se réconciliant après leur mort, guidés par les ombres filiales défuntes - salut du renversement et du retour de l’humanité.
Les festivités se préparent pour le dix- huitième anniversaire de Juliette (Mahaut Leconte), avec autour d’elle, Roméo (Niels Herzhaft), Ophélie (Juliette Launay) et Hamlet (Victor Hugo Dos Santos Pereira) - jeunes gens d’aujourd’hui à la fois décoiffés, extravertis, repliés et dégingandés, absolument spontanés et libres d’être au monde, si ce n’est ce lourd joug parental. Leur ardeur à vivre est saisie déjà en gros plan par une vidéo à cour et à jardin, d’où ils semblent observer la comédie des adultes qui tourne souvent au drame de mauvais goût. Les parents et les anciens, s’affairent, regrettant encore un passé vu comme paradis perdu, témoignant d’une « immaturité affective et impuissance flagrante ».
La fête familiale appartient à une histoire de l’humanité expliquée aux enfants par la coach Clara Guipont en Mary Poppins et le chanteur et guitariste Edo Sellier, qui dirigent les élèves du Conservatoire de Danse et de Musique de Saint-Denis et les séniors amateurs, sur un fond de scène élevé - théâtre dans le théâtre avec joli rideau scintillant -, décor familier de crèche colorée à hauteur d’enfant, avec jouets et masques pour accessoires.
A l’avant-scène, en échange, le paysage verdoyant et idyllique a disparu et tout est beaucoup plus sombre, banal et sans éclat, là où, autour de la grande table dressée, l’espace est dévolu aux parents et grand-parents, les premiers courant à n’en plus finir.
Capulet (Lucas Bonnifait) est tendu, figure sautillante sur un grill inventé, mobile et agité, quand Lady Capulet (Elsa Granat), lancinante, paraît absente et dégagée des réalités. Laurent Huon est un Montaigu plutôt tranquille, tandis que Gertrud - mère stressée d’Hamlet et maîtresse endiablée de Capulet, fait le déballage de ses angoisses et de ses colères à l’égard d’un fils qu’elle voudrait « meilleur ». La fougueuse et impétueuse Hélène Rencurel joue à plein la dé-construction des mouvements et des gestes désordonnés. Frère Laurent (Antony Cochin), le piètre conseiller, se fait percussionniste de haut niveau. Quant à Bernadette le Saché en Tatie Nounou, elle mène ses affaires décalées avec brio.
Un spectacle populaire qui touche les lycéens en plein coeur, à travers une assemblée loufoque, étourdissante et vertigineuse, dans un rapport inversé où les anciens - enfants redevenus - réapprennent à vivre en EPHAD, conduits par ceux qu’ils maltraitaient jadis.
Vitalité, humour, dérision, farce, chansons et jeux scéniques réveillent l’enfance en soi, un état à reconquérir pour vivre mieux, enfants et séniors, amateurs et professionnels réunis.
Les Grands Sensibles ou L’Education des Barbares, d’après William Shakespeare, mise en scène Elsa Granat, collaboration artistique Laure Grisinger. Avec Lucas Bonnifait, Antony Cochin, Victor Hugo Dos Santos Pereira, Elsa Granat, Clara Guipont, Niels Herzhaft, Laurent Huon, Juliette Launay, Mahaut Leconte, Bernadette Le Saché, Hélène Rencurel, Edo Sellier (guitare), Et des enfants du Conservatoire Municipal de Danse et de Musique de Saint-Denis et des seniors amateurs. Scénographie Suzanne Barbaud, lumière Lila Meynard, son John M. Warts, costumes Marion Moinet, chef de choeur Catherine Roussot. Du 25 septembre au 6 octobre, du lundi au vendredi à 19h30, samedi à 17h, dimanche à 15h, relâche le mardi, au TGP - Centre Dramatique National de Saint-Denis, 59, boulevard Jules Guesde 93200 Saint-Denis. Tél : 01 48 13 70 00, www.theatregerardphilipe.com /reservation@theatregerardphilipe.com Les 16 et 17 octobre 2024, Le Nest – centre dramatique national de Thionville. Les 6 et 7 novembre, Théâtre de l’Union, centre dramatique national, Limoges. Du 26 au 30 novembre, Théâtre Dijon-Bourgogne, centre dramatique national. Du 4 au 6 décembre, Théâtre de Cornouaille, scène nationale, Quimper.
Crédit photo : Christophe Raynaud de Lage