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Léo Warynski, chef de chœur épris de liberté

Le fondateur du chœur Les Métaboles propose son second CD {Une nuit américaine} sous forme de concert "olfactif’" le 2 décembre à l’église des Billettes.

Léo Warynski, chef de chœur épris de liberté

La soif de direction chevillée au corps, Léo Warynski se présente spontanément comme chef de chœur et chef d’orchestre. Né en 1982, il a déjà à son actif la création en 2010 d’un chœur a capella Les Métaboles dédié aux répertoires des XXème et XXIème siècle. Ainsi que la direction de l’ensemble Multilatérale qu’il a repris depuis 2014, engagé notamment pour la création de l’opéra Aliados de Sébastian Rivas.

Ce refus de choisir entre musique chorale ou symphonique en fait l’archétype de cette nouvelle génération de chefs trentenaires polyvalents, aussi à l’aise dans le répertoire symphonique, lyrique ou choral que dans la création contemporaine. Si cette génération multiplie les projets artistiques et les engagements, c’est autant pour ne pas être réduite à une étiquette forcément réductrice par rapport à son potentiel, que pour nourrir cet esprit d’entreprise qui lui permet de forger ses outils personnels.

Il y a aussi pour l’ancien élève de la maîtrise de Colmar, la volonté de lutter contre deux stéréotypes bien français, cette éducation à deux vitesses, qui considère d’une part le métier de chef de chœur inférieur à celui de chef d’orchestre, et d’autre part la difficulté de faire valoir la même exigence -et donc les mêmes moyens financiers- à une formation a capella professionnelle qu’à un orchestre.

Convaincu qu’il n’y a pas qu’une voie pour forger une expérience de chef
, Léo Warynski interprète à sa manière les enseignements et la liberté d’entreprendre, reçus de ses deux mentors revendiqués : François Xavier Roth, fondateur de l’ensemble des Siècles et grand initiateur de projets en tous genres, qui a été son professeur de direction au Conservatoire National de Musique et de Danse de Paris, et Pierre Cao, fondateur de l’ensemble Arsys Bourgogne. « Pour monter le répertoire qui m’intéressait, largement a cappella, avec des programmes où se croisent Schutz et Tchesnokov, revendique l’ancien violoncelliste, je n’avais pas d’autre choix que de créer mon ensemble vocal. Je cherche un son riche, homogène, dense, et des voix chaleureuses et brillantes. » Ce sera Les Métaboles, dénomination empruntée à une œuvre d’Henri Dutilleux pour dire sa volonté de se transformer au gré des répertoires afin de les servir au mieux.

D’emblée, les complices se lancent dans des projets ambitieux : la création d’ œuvres de Dimitri Tchesnokov ou celles des lauréats du Prix de Composition Saint-Christophe 2014 et 2016, des collaborations de plus en plus variées avec l’orchestre Les Siècles sous la direction de François-Xavier Roth (Nocturnes de Debussy, Playing for Pleyel), avec le Philharmonia Orchestra (La Bohème de Puccini), ou avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France au Théâtre du Châtelet (Atom Heart, Mother des Pink Floyd). Un premier disque sorti en décembre 2013 dédié à la musique russe Mysterious Nativity (CD Brilliant) condense bien le projet ; une excellence technique projetée dans un florilège de partitions (Trois Chants Sacrés, Ave Verum Corpus de Dimitri Tchesnokov), ou peu connues (Mysterious Nativity, Trisagion, Vytautas Miskinis O Salutaris Hostia de Gueorgui Sviridov), parfois même célèbres (Magnificat de Arvo Pärt, Trois Hymnes Sacrés d’Alfred Schnittke) pour un fastueux bouquet d’émotions. Toujours subtile, l’interprétation est parfaitement maitrisée et ductile.

Un second enregistrement encore plus abouti
vient de paraître début novembre dédié à la musique américaine : Une nuit américaine composé d’œuvres pour chœur a cappella de six compositeurs : Steven Stucky, Eric Whitacre, Aaron Copland, Samuel Barber, Morten Lauridse et Morton Feldman que le chef présente ainsi : « un cadavre exquis au caractère intimiste, qui éclaire en « nuit américaine », créant la nuit à partir du jour suivant le procédé cinématographique homonyme. Chaque pièce y résonne dans son contraire, car chacune bouscule de manière particulière nos catégories de perception - comme si nous nous trouvions dans un des états intermédiaires du sommeil, à l’endormissement ou bien au réveil ». Et cette immersion est réussie balayant le stéréotype d’une musique américaine sans fond ni finesse.

Le jeune chef non content d’instiller une puissante personnalité à son ensemble
dans ce subtil mélange de découvertes et de tubes innove aussi dans son approche du concert poussant plus loin le sentiment d’immersion avec son concept de ‘concert olfactif’ qu’il a largement rodé associé au parfumeur Quentin Bisch. Le spectacle rapproche l’art des sons à celui des parfums pour former des accords vers l’harmonie ou la dissonance. Avant le début de chaque plage de musique, le public reçoit des mouillettes de papier imprégnées de parfum qu’il est invité à placer sous le nez lorsque la musique commence. Effets de persistance et d’imagination sensorielle garantis. C’est bien une salve d’avenir que tend à faire cet artisan du son, privilégiant des œuvres et expériences inédites.

Concerts, innovations, collaborations multiples
, fidèle à sa vocation initiale, le chef fondateur des Métaboles souhaite poursuivre la dynamique d’ouverture sur le monde, son répertoire et son public. Avec trois vœux ; que le chœur se consolide clairement identifié par sa curiosité insatiable, et la précision de son souffle, qu’il se rapproche de l’ensemble Multilatérale pour mieux surprendre et que le chef reste libre de ses choix comme chef de chœur et chef d’orchestre, n’hésitant pas – le cas échéant - à travailler au plus près avec les créateurs comme en témoigne sa direction de l’opéra Giordano Bruno de Francesco Filidei (voir critique sur webtheatre http://www.webtheatre.fr/Giordano-Bruno-de-Francesco).

Il faudra suivre cet ‘assembleur’ au sens propre du terme dans ses pérégrinations et ses exigences, ce perfectionniste qui cherche à valoriser la beauté et le sens du métier de ‘maître de musique’, ce conquérant d’un espace de cœur et d’émotions que Maurice Ohana appelait “ la mémoire immémoriale ”.

CD « Une nuit américaine » NoMadMusic http://nomadmusic.fr/fr

Concert : « Une nuit américaine » :
vendredi 2 décembre 2016 à 21h00
Église des Billettes 24, rue des archives 75004 Paris
Réservations sur www.lesmetaboles.fr - rubrique « nous contacter »

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A propos de l'auteur
Olivier Olgan
Olivier Olgan

Diplômé de Sciences Po et licence de Droit, parallèlement à une carrière de consultant en communication institutionnelle et culturelle, Olivier Le Guay - Olgan a contribué à la rubrique musicale et multimédia de La Tribune de 1991 à 2006, et effectué de...

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