Poster un message

En réponse à :

La Ronde de nuit par le Théâtre Aftaab Publié par Molineon, le 14 novembre 2013 à 13:21

Je ressens le besoin de poster une critique car je ne reconnais absolument pas le spectacle que j’ai vu dans les critiques presses et internautes, dithyrambiques et aveuglées par les bons sentiments dégoulinants de cette pièce : La Ronde de nuit.
Ce spectacle mérite une adaptation télévisuelle pour TF1 car la grossièreté de son propos, la vulgarité de l’écriture de la pièce, et la simplicité niaise de son message - cette envie de réconcilier la police avec les immigrés clandestins qui vont tous ensemble sauver un théâtre – correspondrait mieux à une œuvre télévisuelle adressée à un public de beaufs car c’est le public sur lequel il pourrait agir. Mais sur la scène de ce magnifique Théâtre du soleil ? Face à des bobos de gauche pour lesquels la cause des immigrés est forcément acquise, quel est l’objectif ? Et bien l’objectif est simple, celui de nous faire rire en empilant les gags - sur un sujet aussi lourd que celui de l’immigration clandestine a-t-on vraiment envie de rire ? - et d’asséner des certitudes que j’ai trouvé, par moment, nauséabondes.
La metteure en scène nous caresse dans le sens du poil, confortant les petits franchouillards que nous sommes dans notre fierté de la révolution et dans notre supériorité « démocratique » sur l’orient. J’ai failli vomir quand une blonde rentre sur scène en string et commence à danser en tordant du cul comme une stripteaseuse alors qu’un afghan, complètement excité est obligé de se mettre de la neige sur la bite pour débander... Mais quel mépris ! Car voilà ce que dit cette scène : « Toi petit afghan musulman, tu vois bien que ta bite peut être irriguée face au cul de nos blanches occidentales ! Hein ? Avoue ! T’en peux plus petit coquin ! Alors arrête de voiler ta femme ! ». Voilà le niveau de presque toutes les scènes. Les messages nous sont livrer avec la finesse d’un lycéen politisé... J’excuse le lycéen mais je n’excuse pas l’artiste de véhiculer ce type d’idéologie avec aussi peu de nuance.
Et on continue avec la révolution française. Mais quand allons-nous, en France, commencer à nous tourner vers notre avenir ?
Un afghan raconte à un autre complètement fasciné que c’est l’histoire française, Delacroix et La Liberté guidant le peuple qui lui a donné envie de venir France. J’aimerais savoir si la metteur en scène est allé se balader sous le périphérique pour capter des discussions de clandestins... Car apparemment, ces gens qui sont dans le dénuement et l’urgence la plus totale, ont le temps de philosopher sur l’histoire de France.
Chaque scène est construite autour d’un message au mieux poussiéreux et consensuel, au pire bête et douteux. N’attendons-nous pas des artistes, de manière générale, qu’ils nous livrent une représentation complexe du monde ? Qu’ils mettent « des coups de pieds dans la fourmilière » ?
La metteure en scène devrait regarder les films de Ken Loach et en prendre de la graine. Voilà une artiste qui n’a pas de certitudes et nous bouscule par sa vision du monde tout en « nuances de gris » alors qu’Hélène Cinque est dans le « noir et blanc ». Achète toi l’oeuvre de Ken Loach et mets-toi au boulot !
De plus, le procédé de la pièce est une gigantesque prise d’otage. L’émotion étant tellement appuyée, nous n’avons, en tant que spectateur, pas de « porte de sortie ». L’émotion lisse et artificielle nous est martelée avec une telle force que nous devons tous RIRE ou PLEURER quand on nous le dit (ordonne). Je déteste cette « simplification » émotionnelle qui n’a finalement rien d’étonnant quand on constate la simplicité du discours. Je me suis senti pris en otage.
Parlons un peu, maintenant, de la facture technique de la mise en scène. Il faut reconnaître qu’il n’y a pas d’erreur, que c’est « bien foutu », bien éclairé, et que l’on ne s’ennuie pas une seconde. Mais le jeu des acteurs n’est pas irréprochable, surtout celui de la metteure scène elle-même. On peut se demander si quelqu’un a osé lui dire, pendant la fabrication de la pièce, que son jeu est faux, en dessous de celui de tous les autres comédiens. Il aurait sûrement fallu le faire, ce qui nous aurait évité de commencer la pièce par un monologue poussif nous empêchant « d’entrer » dans l’histoire.
Pour finir, après avoir lu tous ces articles positifs sur internet, j’ai commencé à me demander si les critiques de théâtre font leur travail. Les auteurs de ces articles parlent exclusivement de l’émotion brute qu’ils ont pu ressentir : pas d’analyse de fond, pas de réflexion sur le texte ni sur le propos. Quand on se base uniquement sur son ressenti on n’est pas critique, on est un spectateur lambda. Comment ces gens sont-il formés ? Comment accèdent-t-ils à la légitimité ? Ne devrait-on pas refonder entièrement ce métier ? Créer des écoles de critique ? Ou au moins des filières de critique dans les universités d’art ?

Je voudrais aussi nuancer cette apparente unanimité qu’a suscitée La Ronde de nuit. Certes une grande majorité de personnes dans la salle a apprécié la pièce, mais une autre partie non négligeable a souligné les grandes faiblesses que je vous décris dans ce post « coup de gueule ». Tout de même, j’avoue avoir été déçu qu’autant de gens « se fassent avoir ». J’avais dans l’idée - naïvement - que le public du théâtre était un public au regard aiguisé, exigeant et capable de prendre du recul sur ce qui lui est donné à voir. Je ne pensais pas entendre autant de rires face à ces gags « raz les pâquerettes », dont la subtilité de l’écriture est celle d’un mauvais téléfilm... Et bien non : ce public bobo qui se perçoit lui même comme avisé, est comme tous les publics, il peut se contenter de peu. Grâce à La Ronde de nuit, j’ai rencontré une nouvelle frange de la population : les bo-beaufs !

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook