Paris - Théâtre du rond-point jusqu’au 26 février 2010

Yaacobi et Leidental de Hanokh Levin

Pas de quartier !

Yaacobi et Leidental de Hanokh Levin

Écrivain prolifique, l’israélien Hanokh Levin est l’auteur d’une œuvre importante qui s’articule en trois cycles, les pièces mythologiques, politiques et les comédies, registre auquel appartient Yaacobi et Leidental, la pièce la plus souvent mise en scène avec Kroum l’ectoplasme (mis en scène récemment par Krzysztof Warlikovski). C’est seulement depuis 2000, un an après la disparition du dramaturge, que l’on a commencé à traduire les pièces de Levin, travail entrepris par les éditions théâtrales. Il faut savoir que Levin n’aimait rien tant que le cabaret et que, par ailleurs, quel que soit le sujet abordé, il est toujours question de son pays déchiré, des petites gens de Tel Aviv aux figures mythologiques universelles. Yaacobi et Leidental a été créée en français au festival d’Avignon 2000 par Michel Didym dans une version résolument cabaret emmenée par un orchestre klezmer et un trio de comédiens doués d’un véritable abattage, Charlie Nelson, Philippe Faure et Christine Murillo.
Frédéric Bélier-Garcia s’en empare aujourd’hui avec non moins de bonheur, s’aventurant avec audace, intelligence et malice, dans un registre qui ne lui est pas familier. On se souvient de sa brillante première mise en scène, c’était il y a juste 10 ans, Biographie : un jeu de Max Frisch, créée au théâtre de Nice avec des acteurs dont on a entendu parler depuis, (entre autres, Emmanuelle Devos, Eric Elmosnino). Le metteur en scène a pris la mesure de la complexité de la pièce de Levin et de la rigueur nécessaire pour ne rien édulcorer de ses finesses de style.

une mise en scène subtile

Itamar Yaacobi (Manuel Le Lièvre) décide de rompre avec son ami David Leidental (David Migeot), d’abandonner brutalement leurs rituelles parties de dominos pour se désennuyer, mais la rencontre d’une femme au tempérament de feu bouleverse leur existence. Le pauvre Leidental, collant comme le malheur, ne trouve d’autre issue à sa disgrâce que de s’offrir en cadeau de mariage au couple. Les trois sont prêts aux pires bassesses et au cynisme le plus accompli pour mettre le grappin sur leur future moitié. Jeu de massacre garanti. Les acteurs négocient admirablement le statut complexe des personnages qui sont tantôt dedans, tantôt dehors (qu’ils commentent l’action en direction du public ou en chansons) adoptant à ravir le style des meilleures bonnes vieilles comédies américaines dans les ruptures de ton, le passage d’un état à un autre, la distance et la connivence, etc. Le metteur en scène joue la farce avec subtilité, avec un humour distancé et assure le tempo réglé sur l’alternance des ralentis et des accélérés. Rien de structuré dans la scénographie qui juxtapose les espaces, concrets ou mentaux, pas plus que dans les relations entre les personnages. La tonalité majeure est au cabaret et au spectacle de variétés, rideau de scène, grand escalier pour la diva des faubourgs qui se rêve pianiste pour capturer ses proies, chansons écrites par Levin qui entrecoupent le texte sans oublier les ajouts du metteur en scène. Ça commence et ça se ferme sur la chanson de Gilbert Bécaud : « le jour où la pluie viendra, nous serons, toi et moi, les plus riches du monde »…plus tard nous voici du côté de la chanson d’amour italienne susurrée en play bach par l’épatante Agnès Pontier sans oublier les duos de Manuel le Lièvre et David Migeot, façon comédie musicale sans ressort. Chez Levin, il y a le sens de la comédie d’un Lubtish, un peu de Woody Allen mâtiné d’Albert Cohen dans la tendresse de pitié déguisée en ironie. Derrière la comédie du quotidien, en trente tableaux et douze chansons, il est question de la quête du bonheur, de nos pauvres agitations de désespoir pour y parvenir et des limites au-delà desquelles on le trouve au détriment d’autrui ; finalement un problème de territoires occupés.

Yaacobi et Leidental de Hanokh Levin, mise en scène Frédéric Bélier-Garcia avec Manuel Le Lièvre, David Migeot, Agnès Pontier. Musique Reihardt Wagner. Au théâtre du rond-point jusqu’au 26 février 2010 du mardi ai samedi à 21h.Tel : 01 44 95 98 22. Durée : 1h30.

spectacle créé au Nouveau théâtre d’Angers en 2008.
Texte aux Editions théâtrales.

crédit photographique : Brigitte Enguérand

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook