Verte d’après le roman de Marie Desplechin

Etre ou ne pas être sorcière.....

Verte d'après le roman de Marie Desplechin

Rien n’est plus fatigant qu’une mère ! Surtout si comme Verte (Rachel Arditi), gamine de 11 ans élevée sans père, on ne veut absolument pas suivre le chemin que lui trace Ursule (Céline Carrère), sa maman, sorcière de son état. On peut être moderne, préférer, pour voyager, prendre un avion comme tout le monde plutôt que de chevaucher un manche à balai, la tradition est la tradition et dans la famille on est sorcières de mère en fille. Une filiation qui n’est pas du tout, mais pas du tout dans les objectifs de Verte, même si elle se souvient aussi émue que fascinée, comment, quand elle était toute petite au square, sa mère « mettait le monde à ses pieds et faisait venir les oiseaux pour qu’ils mangent dans sa main ». Non elle ne veut pas être une jeteuse de sorts comme maman, ni touiller, comme elle, d’infâmes brouets magiques pour trucider les chiens des voisins. Non elle ne veut pas s’encombrer de ces pouvoirs-là. Elle veut juste être une petite fille comme les autres, savoir qui est son père et, peut aussi, ne pas être indifférente à Soufi (Pierre Lefebvre) son copain de classe.
Les nerfs en pelote, exaspérée par le refus de sa fille qu’elle trouve décidément « cul-cul », Ursule appellera sa mère Anastabotte (Julie Pilod) à la rescousse. Passant, chaque mercredi, de son banal HLM de banlieue à un univers fantastique autant qu’effrayant peuplé de chauves-souris séchées, de mandragores, de fioles et bocaux insolites et répugnants, Verte apprendra de son extravagante et déjantée grand-mère qu’il y a diverses façons d’être sorcière, qu’on n’est pas obligé de se servir de ses pouvoirs et même s’exercera à quelques tours. Que ne ferait-on pas pour savoir qui est son père et rendre Soufi amoureux !

Dans ce roman à quatre voix, Marie Desplechin auteure à l’écriture simple et allègre, aborde par la bande les rapports souvent conflictuels entre mère et fille, suggère que c’est en s’opposant qu’on se forge son identité mais que ce n’est pas si facile, ouvre quelques pistes sur la filiation et la transmission. Publié en 2009 par L’Ecole des Loisirs, le roman, sous le crayon de Magali Le Huche, est devenu une savoureuse et truculente bande dessinée dont semble s’être inspirée, pour la vivacité du trait des personnages, Léna Bréban qui aujourd’hui le met en 3D avec la complicité d’Alexandre Zambeaux pour l’adaptation scénique.

Sans doute Ursule sorcière à talons et verbe haut et Anabotte grand-mère excentrique et farfelue sont-elles un peu caricaturales, qu’importe puisque c’est par elles que se hausse au ton de la comédie un spectacle haut en couleur et ludique, chemin par lequel passent le mieux les messages.
Sous la houlette de Léna Bréban pour la mise en scène, la sorcellerie se concocte dans une astucieuse scénographie qui oppose le réel et l’imaginaire (Emmanuelle Roy), où l’on passe du concret d’une cuisine standard de HLM que jouxte une petite chambre vintage, celle de Verte, aux profusions végétales d’un monde magique et poétique ouvert à toutes les fantasmagories. Et puisqu’il s’agit d’une famille de sorcières, avec la complicité active de ces deux illusionnistes que sont Abdul Alafrez et Thierry Collet, des fleurs s’échappent de cornets de papiers, les cuillères de bois s’activent seules dans les marmites où infusent les potions magiques et il suffit que Verte, qui n’est pas née d’une sorcière pour rien, pique une colère contre sa mère, pour que se brise la vaisselle et que s’effondre la batterie de cuisine. Cocasses ou poétiques, ces effets spéciaux ajoutent à la saveur d’un spectacle tiré à quatre épingles et servi par un épatant quatuor de comédien (ne)s ajusté(e)s on ne peut mieux à leur personnage.
Dans la salle les bambins n’en perdent pas une miette, nous non plus.

Verte, d’après Marie Desplechin. Adaptation Léna Bréban et Alexandre Zambeaux, mise en scène Léna Bréban, avec Rachel Arditi, Céline Carrère, Pierre Lefebvre, Julie Pilod. (Durée 1h)

Théâtre Paris-Villette dans le cadre parcours enfance du Théâtre de la Ville. (Horaires variables) jusqu’au 3 mars. Tel 01 40 03 72 23

En tournée. 6 au 8 mars Amiens (Comédie de Picardie), 19 mars Pont Audemer (L’Eclat), 21 et 22 mars Les Scènes du Jura, 26 mars Nogent- sur- Marne (La Scène Watteau), 4 au 7 avril Genève (Am Stram Gram), 10 et 11 avril Comédie de valence, 25 et 26 Avril Draguignan (Théâtre en Dracénie), du 14 au 16 mai Comédie de Saint-Etienne, du 21 au 23 mai Théâtre d’Angoulême.

Photos ©Julien Piffaut

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

Voir la fiche complète de l'auteur

Laisser un message

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

S'inscrire à notre lettre d'information
Commentaires récents
Articles récents
Facebook