Vangelo de Pippo Delbono
Rockeur et chrétien des origines
Pippo Delbono n’entre pas tout de suite en scène. Ses acteurs d’abord ! Femmes méditerranéennes aux cheveux enflammés et aux robes colorées, hommes un peu diaboliques : la première farandole donne le ton. On parlera de l’Evangile (vangelo) mais on fera apparaître Satan (ou, du moins, son imagerie), car il s’agit autant de parler de sacré que de se moquer de ce que les écritures saintes sont devenues dans l’Eglise et dans le mensonge quotidien de la vie. Les acteurs rejoueront même la scène où Ponce-Pilate demande aux juifs qui, de Barabbas ou de Jésus, il doit remettre en liberté ; tous viendront dire dans le micro le nom de Barabbas. Et voilà qu’enfin, bien avant cette scène de Barabbas, Pippo Delbono arrive, à l’avant-scène puis sur le plateau. La sonorisation est plein pot. Pippo parle, projette ses mots, cite des auteurs (saint Augustin), chante, saisit un violon, une guitare, prend ses acteurs par la main. C’est un rockeur mais de fête foraine, faisant tourner les mots et les gens avec la fièvre du samedi soir. Il trimballe partout où il va la place italienne, celle des petits villages où l’on peut parler et chanter tard dans la nuit, où les migrants sont parfois arrivés. Précisément, ils sont là, les réfugiés. Pippo les a filmés, à Asti où il est établi. Et la fraternité s’amplifie. Pippo, qui a déjà salué la religion dans d’autres spectacles en disciple du Christ passé par le filtre pasolinien, mène la réflexion en dansant. C’est un chrétien des origines qui n’a que faire de la liturgie et rit de des Judas et des imposteurs sans les envoyer en enfer.
Tout est symbole (les acteurs s’emberlificotent dans un rouleau de plastique qui les empêche de parler : c’est la traduction de toutes nos censures) et tout est jeu. Bobò, vieilli, est craquant de tendresse. La parade transforme la foire aux vanités en fête de la vérité. Pippo Delbono danse sans règles et, avec sa troupe, transmet une splendide joie contestante, débordante et envahissante.
Vangelo, un spectacle (en italien surtitré) de et avec Pippo Delbono, images et film : Pippo Delbono, musique : Enzo Avitabile, scénographie : Claude Santerre, costumes : Antonella Cannarozzi, lumières : Fabio Sajiz, traduction : Anita Rochedy, direction technique : Fabio Sajiz, vidéo : Orlando Bolognesi, son : Pietro Tirell, avec Dolly Albertin, Gianluca Ballarè, Bobò, Margherita Clemente, Ilaria Distante, Pippo Delbono, Simone Goggiano, Mario Intruglio, Nelson Lariccia, Gianni Parenti, Pepe Robledo, Grazia Spinella, Nina Violić, Safi Zakria, Mirta Zečević et avec la participation dans le film des : réfugiés du Centre d’accueil PIAM d’Asti.
Théâtre du Rond-Point, tél. : 01 44 95 98 21, jusqu’au 21 janvier. Puis Villeneuve-d’Ascq, Douai, Maubeuge, Mulhouse, Chambéry, Amiens, Annecy, Clermont-Ferrand, Sète.
Photo Luca del Pia.