Une blouse serrée à la taille de Gérald Sibleyras
Un dramaturge qui passe au roman
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- 19 novembre 2020
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Peu d’auteurs de théâtre sont des romanciers, de même que peu de romanciers sont des auteurs de théâtre. Il y a des exceptions, mais l’on ne pensait pas que Gérald Sibleyras ferait partie de ces écrivains à la double nature. On le connaît comme auteur de comédies ayant rencontré un vif succès (certaines étant écrites en duo avec Jean Dell), Un petit jeu sans conséquences, L’Inscription, Silence, on tourne, et comme adaptateur de textes en langue anglaise comme Des fleurs pour Algernon. Il est couvert de lauriers (Molières, Laurence Olivier Award for Best Comedy). Mais n ne l’avait pas vu arriver en tant qu’auteur littéraire, sans doute parce que nous n’avions pas repéré ses nouvelles, Totalement dépassés, en 2016. Le livre qu’il publie à la rentrée, Une blouse serrée à la taille, prouve qu’il a bien une deuxième corde à son arc.
Emma est une petite fille berlinoise, qui n’est pas tout de suite sensible à la prise en main de sa ville et de son pays par les nazis, dans les années 30. Les voisins comment à célébrer bruyamment Hitler mais elle n’en a cure. Elle joue avec le petti voisin, fils d’un juif américain. Mais c’est quand même amusant de tenir son bras droit le plus longtemps possible quand on s’amuse à faire le salut nazi. Mais les persécutions s’amplifient, la guerre arrive. Berlin est une ville sans problèmes jusqu’à ce que déclenchent les bombardements opérés par les aviations alliées. Après la guerre, c’est l’occupation russe, impitoyable, suivie de la séparation entre Berlin-Ouest et Berlin-Est. Devenue mannequin, Emma épouse un Français, a deux enfants. Elle part habiter Paris mais sera partout une étrangère, en Allemagne où les siens ne la considèreront plus comme un membre de leur famille, et en France, où elle ne sera jamais totalement intégrée.
Sibleyras a écrit le livre sur deux tons et deux tempos. D’abord à la première personne : c’est l’enfant Emma qui parle et voit tout à travers son optique d’enfant. Puis à la troisième personne : le livre prend plus d’ampleur dans son épaisseur romanesque. L’on est séduit et emporté par une écriture délicate, distante et secrètement sensible.
Une blouse serrée à la taille de Gérald Sibleyras, récit. Editions de Fallois, 192 pages, 18 euros.