Paris, Théâtre de la Ville

Tendre et cruel de Martin Crimp

Du terrorisme

Tendre et cruel de Martin Crimp

L’écrivain anglais Martin Crimp a transposé l’argument des Trachiniennes de Sophocle pour parler du terrorisme et s’interroger sur les effets pervers d’un combat qui, loin d’éradiquer ce mal moderne pourrait bien au contraire en reproduire les violences. Le général (Pierre Stéfan Montagnier), c’est Héraklès, chef de guerre qui ne mégote pas sur les moyens pour arriver à ses fins. Amélia (Anne Le Guernec), la femme du général, c’est Déjanire, l’épouse d’Héraklès qui l’empoisonnera croyant lui avoir administré un philtre d’amour. On suppose que les trois jeunes femmes (Sarah Le Picard, Aurore Paris, Sophie Daull) qui entourent Amélia figurent le chœur, un chœur décalé, dérisoire. Crimp met en scène une femme, Amélia, qui, assignée à résidence aux abords d’un aéroport, attend avec anxiété des nouvelles de son général de mari. Comme dans la tragédie classique, l’action se passe ailleurs et les informations circulent à travers des messagers, le ministre (Pascal Bekkar) et le journaliste (Bertrand Suarez-Pazos). Le problème est que la référence mythologique apparaît un parti pris purement théorique dont on ne perçoit pas la nécessité et qu’aucun signe lisible ne signale clairement. On peut s’interroger sur sa raison d’être dans la mesure où elle sous-tend le texte de manière invisible. La pièce laisse l’impression étrange qu’on a voulu faire tenir ensemble des éléments qui s’y refuseraient. On est loin de la force de textes comme Getting attention ou Atteintes à sa vie.

Brigitte Jaques-Wajeman qui excelle dans la mise en scène de la tragédie classique dont elle sait comme personne faire entendre la beauté de la langue et éclairer la modernité des arguments, accentue au contraire ici l’opacité de la pièce en faisant par exemple d’Amélia une Marilyn tragique, un choix dont on perçoit la force mais sans en comprendre le sens. A l’image d’Amélia qui, enfermée dans l’espace clos d’une chambre, à des milliers de kilomètres du terrain des opérations, n’arrive pas à savoir ce qui se passe vraiment, le spectateur assiste à une tragédie dont les signes restent mystérieux.

Tendre et cruel de Martin Crimp ; traduction de Philippe Djian ; dramaturgie, François Regnault et Clément Mercier ; mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman ; décor et lumière, Yves Collet. Avec Anne Le Guernec, Pierre-Stefan Montagnier, Thibault Perrenoud, Bertrand Suarez-Pazos, Pascal Bekkar, Sophie Daull, Sarah Le Picard, Aurore Paris, Jenny Mutela, Arnold Mensah. Au théâtre de la Ville jusqu’au 21 février. Du mardi au samedi à 2Oh30. Durée : 1h40. Rés. 01 42 74 22 77
Spectacle créé à L’Onde, Vélizy-Villacoublay.

Photo Mirco Magliocca

A propos de l'auteur
Corinne Denailles
Corinne Denailles

Professeur de lettres ; a travaille dans le secteur de l’édition pédagogique dans le cadre de l’Education nationale. A collaboré comme critique théâtrale à divers journaux (Politis, Passage, Journal du théâtre, Zurban) et revue (Du théâtre,...

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