Soldat ventre-creux de Hanock Levin

Retours de guerre singuliers

Soldat ventre-creux de Hanock Levin

Après cinq années passées au front un soldat est en route pour retrouver sa maison, sa femme et son jeune fils qu’il n’a pas vu grandir. Mais alors que les retrouvailles se profilent, il rencontre un autre militaire qui prétend s’appeler comme lui, Sosie, et revendique les mêmes liens familiaux et l’occupation du gîte. Chacun des deux hommes argumentent pour établir sa légitimité et s’affrontent avec violence, ne trouvant aucun secours dans le voisinage pour étayer leurs affirmations respectives. Le premier à “le ventre creux“, le second “le ventre plein ”. Ils sont bientôt rejoints par un troisième “ventre–à-terre“ porteur des mêmes revendications. Chacun avec leurs différences, mais dans une sorte de trinité humaine révélant les différents aspects de leurs perceptions et de leurs souffrances. Une situation qui ne sera pas éclaircie par la femme, aveuglée par la ressemblance qu’elle trouve dans chacun des membres du trio. Alors, comment survivre alors qu’ “un autre vit à ma place” ? C’est peut – être du côté de l’enfant que se trouve une forme de renaissance et d’espoir.

Une comédie grinçante

Figure de proue du théâtre israélien contemporain, Hanokh Levin (1943-1999) a écrit une cinquantaine de pièces en résonance avec les conflits traversant l’Histoire de son pays. De la guerre de l’indépendance au conflit israélo – palestinien, en apportant un éclairage sur leurs conséquences dans le quotidien de ceux qui les subissent. Ici, après Plaute et Molière, il s’inspire du mythe d’Amphitryon pour aborder les questionnements soulevés par la perte d’identité volée par la guerre, et les humiliations et désordres qu’elle entraîne. En dénonçant les mécanismes oppressants qui conduisent à cette aliénation pour refuser d’abdiquer … même sans le secours des dieux. Sous la forme d’une comédie grinçante, colorée d’un humour caustique et d’une tendresse pour le genre humain, la pièce porte une dimension existentielle universelle.

Animatrice de la compagnie Les Héliades, basée au Hublot Théâtre de Colombes (92), où ce spectacle a été créé fin 2012, Véronique Vidock porte cette pièce à la scène pour la première fois en France. Sa mise en scène cohérente accompagne avec fluidité les accents troublants de la pièce, tenant à distance les excès réalistes pour mieux faire ressentir sa portée métaphysique et les nuances de ses colorations fleuretant avec l’absurde, la tragédie et la farce. Au cœur de l’espace vide conçu par Eric Mariette, seulement habité de quatre bidons industriels et d’une barrière symbolique, pas d’illustrations. Sous les lumières changeantes de Pierre Gaillardot, il évoque davantage un no man’s land qui répond à la situation et aux climats traversés, en offrant un espace adapté au jeu et à l’engagement des six bons comédiens (dont un enfant), s’inscrivant dans les chorégraphies de Geneviève Sorin accompagnées des musiques de Bastien Boni.

Le Soldat ventre – creux de Hanokh Levin, texte français Jacqueline Carnaud et Laurence Sendrowicz (Editions Théâtrales), mise en scène Véronique Widock, avec Stéphane Facco, Vincent Debost, Axel Petersen, Henri Costa, Christophe Pinon, et en alternance les enfants Nicolas Couffin et Mateo Frey. Scénographie Eric Mariette, lumières Pierre Gillardot, costumes Myriam Drosne. Durée : 1 h 20.

Théâtre de la Tempête – Paris jusqu’au 29 septembre 2013.

A propos de l'auteur
Jean Chollet
Jean Chollet

Jean Chollet, diplômé en études théâtrales, journaliste et critique dramatique, il a collaboré à de nombreuses publications françaises et étrangères. Directeur de publication de la revue Actualité de la Scénographie de 1983 à 2005, il est l’auteur de...

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