Strasbourg : Opéra National du Rhin jusqu’au 10 novembre 2010

Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi

Entre deux mondes, Verdi bien servi

Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi

Deuxième création de la nouvelle saison du l’ONR, Simon Boccanegra. de Giuseppe Verdi s’affiche sur les murs de la ville sous les traits sévères et rêveurs de Leonardo Loredano, doge de Venise peint par Giovanni Bellini en 1501. Un portrait aux couleurs sablées qui donne le ton de cette production où, la peinture et la musique rejoignent l’Histoire. Car Simon Boccanegra, héros du mélodrame verdien, fut en 1339 le héros vivant de la ville de Gênes dont il devint le premier doge.

Corsaire, issu de la plèbe, il allait supplanter la caste des patriciens. Un sujet on or pour le patriote Giuseppe Verdi qui le peaufina durant près d’un quart de siècle. Le livret de Francesco Maria Piave, d’après la pièce de l’Espagnol Antonio Garcia Gutiérrez donna naissance à la première version créée en 1857.

Vingt quatre ans plus tard, Verdi en confia la révision à Arrigo Boito qui deviendra alors le librettiste attitré de ses œuvres ultimes, Otello et Falstaff. Le temps avait mûri l’écriture musicale, en sobriété, en intensité, comme si les années avaient dicté au père de Rigoletto et de La Traviata, la nécessité de se concentrer sur l’essentiel. L’éternelle – et intemporelle – lutte pour le pouvoir, entre deux partis, la noblesse et le peuple, la droite et la gauche, les travaillistes et les conservateurs, les républicains et les démocrates … On connaît la chanson. On n’a pas fini de la fredonner...

C’était hier, c’est aujourd’hui

C’est la version de 1881 qui est évidemment présentée à Strasbourg. Sans parti pris d’actualisation, ce piège où tombent tant de metteurs en scène et que Keith Warner évite avec doigté et justesse. Entre deux mondes, entre les imageries médiévales empruntées aux fresques de La Chambre des Epoux de Montegna et les espaces nus, gris et noirs des lieux de complots. Costumes chamarrés pour les premiers, complets vestons anthracite et uniformes passe partout pour les seconds. C’était hier, c’est aujourd’hui, une tempête dans un crâne ou plutôt dans un cube structuré par des panneaux mobiles. A l’exception d’un bassin d’eau sans autre utilité que quelques flics flacs et de jolis reflets renvoyés au plafond de la salle, les décors mouvants de Boris Kudlicka, les éclairages de Wolfgang Goebbel offrent un cadre sobre et juste aux intrigues politiques et pérégrinations sentimentales d’un amant et d’un père entraîné dans un embrouillamini d’aventures et de révélations qui flirtent avec le mélo pour midinettes.

De beaux timbres d’hommes

Côté hommes la distribution réunit quelques beaux timbres : Le Russe Serguey Murzaev, baryton ample a la mesure vocale et la puissance du rôle titre, il lui manque une petite dose de chaleur et de folie et surtout le magnétisme qui en fait un leader charismatique. Sa mort en coulisses et en voix off le dispense des contorsions de l’agonisant sur scène, une belle astuce qui, étrangement, fait grimper haut l’émotion. En Fiesco à l’élégance conventionnelle, la basse Michail Ryssov, russe lui aussi, bataille avec quelques graves abyssaux mais affiche dans l’ensemble une belle ligne de chant et de l’élégance, mais c’est, haut la voix pourrait-on dire, que le jeune ténor américain Andrew Richards remporte les suffrages. Fougueux, rayonnant jusque dans ses aigus célestes il mate les traquenards du rôle d’Adorno, l’amoureux fidèle et le rebelle repenti et le transfigure.

La part féminine, et pas la moindre s’agissant d’Amelia l’orpheline trop aimée et trop convoitée, n’aura pas trouvé l’idéal en Nuccia Focile, soprano de Sicile, souvent entendue, qui n’a plus les 18 ans du rôle, une allure et un jeu de soubrette, et un vibrato baladeur.

En colères et tendresses, Verdi bien servi

Sous la direction du jeune chef israélien Rani Calderon, l’orchestre symphonique de Mulhouse marque de nets progrès. Après un prologue presque engourdi, il fait remonter la houle verdienne, la laisse s’ébrouer en colères et tendresses, généreuse et engagée. Verdi est bien servi.

Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi, livret de Francesco Maria Piave et Arrigo Boito d’après Gutiérrez. Orchestre symphonique de Mulhouse, direction Rani Calderon, chœurs de l’Opéra National du Rhin, direction Michel Capperon. Mise en scène Keith Warner, décors Boris Kudlicka, costumes Kaspar Giarner, lumières Wolfgang Goebbel. Avec Serguey Murzaev, Michail Ryssov, Nuccia Focile, Andrew Richards, Roman Burdenko, Arnaud Richard, Susan Griffiths, Mario Montalbano .

Strasbourg – Opéra National du Rhin, les 26, 30 octobre, 2, 8, 10 novembre à 20h, le 24 octobre à 15h.

+33 (0) 88 75 48 00 et 0 825 84 14 84

Mulhouse – La Filature -, le 19 novembre à 20h, le 21 à 15h.+33

(0) 89 36 28 29

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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