Du 23 au 27 janvier 2024 au Théâtre du Nord
Seizeaucentre de Pascal Rambert
Le "scan" d’une génération
Seize hockeyeurs réunis sur ce plateau transformé en patinoire pour y tourner un film. Seize jeunes gens qui viennent., face caméra, dévoiler leurs pensées secrètes sur le monde, l’amour et leurs peurs. Cette plongée dans l’intimité de la jeunesse d’aujourd’hui est le thème de Seizeaucentre. Pascal Rambert, l’auteur de cette mise à nu, explique qu’il a « réalisé depuis quelques années en France et à l’étranger une sorte de scan d’une génération qui a entre 18 et 25 ans aujourd’hui. »
Pour réussir cette plongée en eaux profondes générationnelles, il utilise une méthode éprouvée. Il initie des discussions avec les jeunes acteurs, qui se prolongent par « des échanges d’information constants par mail, afin d’établir une sorte de carte d’identité de leur personnalité. Je leur demande d’écrire ce qu’ils ont vécu, puis je reprends ces matériaux pour bâtir les personnages de la pièce. Ils ne me quittent pas. J’ai même collé leurs photos sur mes valises pour qu’ils m’accompagnent pendant mes voyages. Ils sont, en quelque sorte, les co-auteurs de la pièce » explique-t-il.
Au final le spectacle porte la marque de Pascal Rambert, un style et une langue où le monologue se taille une place de choix.
En ouverture, l’un des jeunes acteurs, Jessim Belfar, nous offre ses réflexions en s’adressant à la caméra qui le filme : « ce que je voulais dire, ces choses qui tournent dans ma tête et qui sont hyper difficiles à dire. Toujours on dit qu’on ne parle pas, que les garçons ne parlent pas, que nous sommes des choses brutes immatures pas finies, peu dégrossies, mais hyper sentimentales ; nous sommes des choses hyper sentimentales, oui, cela peut faire ricaner je suis une masse sentimentale ».
Pascal Rambert pose très rarement ses valises. Cet explorateur de nos imaginaires, ce savant musicien de nos états d’âme, s’est pourtant arrêté un moment à Lille. Il écrit cette pièce qu’il met en scène avec les élèves comédiens du Studio 7 du Théâtre du Nord, école qui fêtent ses vingt ans d’existence en 2024.
« C’est une activité exceptionnelle pour moi. Je l’ai acceptée par amitié pour David Bobée qui, pendant dix ans, fut acteur et performeur dans ma compagnie et qui souhaitait, comme il le dit, que les élèves-comédiens passent par « ma » langue. Je l’ai décidé après avoir rencontré ce groupe, très ouvert et dont la curiosité est remarquable et la fraîcheur bienvenue » nous explique-t-il.
L’une des clés de la réussite du projet tient à la bienveillance constante dont fait preuve Pascal Rambert. Le courant passe entre ces jeunes gens, l’équipe technique et l’auteur. Tous travaillent avec intensité, loin des éclats de violence qui, parfois, transforment le plateau de répétition en rings de boxe.
Ces jeunes élèves sont des privilégiés. Après avoir bénéficié du talent d’Eric Lacascade, le parrain de leur promotion, les voici accompagnés par un artiste des plus renommés qui soit (1)
Sans conteste, Pascal Rambert reste le plus hyper actif des créateurs français. Cet artiste talentueux reconnu dans le monde entier est prolifique. Auteur, chorégraphe, acteur, cinéaste, il a écrit plus d’une trentaine de pièces (traduites dans une vingtaine de langues), assuré la direction pendant dix ans du Théâtre de Gennevilliers qu’il a ouvert aux vents du grand large, présentant les créations de 200 artistes du monde entier. Il travaille en tant qu’artiste ou auteur associé à Madrid, au Piccolo Théâtre de Milan, au TNS. Il met en scène ses pièces de Pékin à Montevideo, en passant par Le Caire, Athènes, New York, la Cour d’Honneur d’Avignon. Il est joué sur les scènes du monde entier. (2) « Cette saison, j’ai quatorze productions qui courent le monde » dit-il en riant. Ce créateur insatiable met en scène, en même temps, Seizeaucentre à Lille et Mon absente à Bobigny dont Véronique Hotte a rendu compte ici. « Soeurs part de Hong Kong pour être présentée à Pékin. La pièce va débuter au même moment au Pérou » se réjouit-il.
S’il entend « scanner » une génération avec ce Seizeaucentre, il souhaite aussi délivrer un message d’espoir. Ainsi se termine le spectacle : « Tous ici à un moment ou à un autre nous avions pensé disparaître(...) et puis nous étions remontés à la surface nous avions levé nos crosses nous avions serré les rangs nous avions foncé tête baissée dans le groupe la vague la beauté ».
Seizaucentre.Texte et mise en scène de Pascal Rambert. Assistant à la mise en scène : Nicolas Girard-Michelotti. Equipe thecnique du Théâtre du Nord.
Avec les élèves du Studio 7 de l’École du Nord,
Yassim Aït Abdelmalek, Félix Back, Poline Baranova Kiejman, Jessim Belfar, Clément Bigot, Sam Chemoul, Jade Crespy, Fantine Gelu, Ambre Germain-Cartron, Loan Hermant, Mohamed Louridi, Ilana Micouin-Onnis, Marie Moly, Chloé Monteiro, Miya Péchillon, Charles Tuyizere
(1) Eric Lacascade et David Bobée créeront en juin Tragédie avec les élèves du théâtre. Le projet est ainsi présenté : « Il s’agira d’une écriture de plateau, une narration fragmentaire, qui racontera comment cette génération reconstruit, répare et réinvente avec une grande créativité, le monde qui lui a été laissé. Une réinvention permanente, d’autant plus libre qu’elle naît depuis des ruines, d’autant plus joyeuse qu’elle se passe d’espoir. »
(2) Clôture de l’amour est éditée en 23 langues de l’anglais au danois en passant, entre autres, par le russe, l’arabe, l’italien, le japonais, le croate, l’espagnol, l’allemand.