Critique – Musique/Variété

SINGIN’ IN THE RAIN de Betty Comden, Adolphe Green, Nacio Herb Brown et Arthur Freed

Le bonheur sous la pluie

SINGIN' IN THE RAIN de Betty Comden, Adolphe Green, Nacio Herb Brown et Arthur Freed

Rendre compte d’un spectacle dont on sait qu’il ne reste plus aucune place à vendre (ou à acheter…) est frustrant. Dire le plaisir qu’on y a pris semble alors ressortir alors d’un égoïsme forcené… Pourtant c’est le métier de journaliste et de critique qu’on exerce et il faut s’y plier. Le triomphe de l’adaptation scénique du célébrissime film de Stanley Donen et Gene Kelly (1952) sur les planches, dans les cintres et dans la salle du Châtelet a été tel dès le premier soir, que la billetterie fut prise d’assaut. Petit lot de consolation : le spectacle sera repris à partir de 27 novembre (jusqu’au 15 janvier 2016 !). Il sera prudent de veiller à réouverture de la billetterie après les vacances d’été…

Le Châtelet depuis que Jean-Luc Choplin en a pris le volant, s’est fait une spécialité de porter sur scène les grands succès de la comédie musicale américaine et ceux des principaux films à succès qui en ont été tirés. West Side Story, The Sound of Music, The King and I, Les Parapluies de Cherbourg, Un Américain à Paris, la découverte des splendeurs intimes de Stephen Sondheim (Sweeny Todd, a little Night Music, Sunday in the Park…). Et aussi, réalisés et mis en scène par le canadien Robert Carsen qui signe ce bonheur sous la pluie, Candide de Bernstein et My Fair Lady de Lerner et Loewe. (voir WT 1048 et 3928). Superbe catalogue d’un genre musical populaire et raffiné qui n’avait jamais eu de place officielle sur les scènes parisiennes.

Revu, relu, ré-enchanté

Voici donc, revu, relu, ré-enchanté, ce classique qui raconte en danses et chansons les avatars du passage du cinéma muet au cinéma parlant. Avec les vedettes, capables de tenir bon la rampe (le micro) les stars soudain détrônées pour cause de voix inadaptées. Un demi-siècle plus tard, le thème inspira The Artist avec Jean Dujardin.

Au Châtelet, on le conjugue sur tous les tons : cinéma dans cinéma, théâtre dans théâtre avec le public pris à témoin. C’est donc l’histoire de Don Lockwood, beau gosse, danseur sur ressorts et voix d’or partenaire vedette de Lina Lamont, ravissante créature à la voix de crécelle, tous deux icones du muet appelés à passer le cap du parlant tandis que Kathy Selden, comédienne douée et ambitieuse est promue doublure vocale et que Cosmo Brown l’ami de toujours, joue les agents et organisateurs.

Jeux de lumières, écrans et cadres se dédoublant en perspective, décors mobiles, costumes haute couture, projection de bouts de filmés tournés en noir et blanc dans la galerie des glaces de Versailles en costumes d’époque pour le « Dueling Cavalier », le cavalier rebelle qui deviendra, sonorisé, le cavalier dansant « Dancing cavalier ». Robert Carsen, se sert de tout en prestidigitateur d’effets choc. Les danseurs chorégraphiés par Stephen Mear exécutent d’éblouissants numéros : ensembles réglés au bistouri rythmique et claquettes endiablées sur fond d’airs connus que l’on fredonne sous la douche All I do is dream of You, Moses Supposes, Good Morning et l’incontournable Singin’ in the Rain qui clôt le spectacle en bis, en cirés jaunes et parapluies ouverts sous de véritables trombes d’eau.

Purement "british"

Distribution purement "british » impeccable : Emma Kate Nelson en Lina Lamont fait à merveille la godiche, chochotte, à la voix de carrosserie délabrée, la ravissante, toute menue Clare Halse/Kathy, a du charme et un timbre frais comme un jus de fruit tout juste pressé, Daniel Crossley compose un Cosmo Brown irrésistible, tandis que Dan Burton, chanteur, danseur, endosse les frémissements de Don Lockwood avec élégance et autorité même s’il n’égale pas son irrésistible modèle – le mythique Gene Kelly s’avérant décidément irremplaçable. L’Orchestre de Chambre de Paris dirigé en grande pompe par Gareth Valentine, s’en donne à cœur jusqu’à exploser par la sonorisation qui, comme souvent au Châtelet, pousse trop loin les décibels, seul regret de cette production d’envoûtante.

Singin’ in the Rain de de Betty Comden et Adolph Green, chansons de Nacio Herb Brown et Arthur Freed, d’après le film de Stanley Donen et Gene Kelly. Orchestre de Chambre de Paris, direction Gareth Valentine, mise en scène Robert Carsen, costumes Anthony Powell, chorégraphie Stephen Mear, décors Tim Hatley, lumières Robert Carsen et Giuseppe Di Ioria. Avec Dan Burton, Daniel Crossley, Claire Halse, Emma Kate Nelson, Robert Darney, Jennie Dale, Matthew Gonder, Matthew McKennan Karen Aspinall et Lambert Wilson sur grand écran (Man on the Screen).

Théâtre du Châtelet – jusqu’au 26 mars à 20h, les samedis à 15 et 20h, les dimanches à 16h . Reprise du 27 novembre au 15 janvier 2016.

01 40 28 28 40 – www.chatelet-theatre.com

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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