Retrouver Kaija Saariaho

La compositrice finlandaise nous a quittés le 2 juin dernier. « Lichtbogen » est à l’affiche du concert donné par l’Ensemble intercontemporain le vendredi 9, à la Cité de la musique.

Retrouver Kaija Saariaho

NOUS N’AJOUTERONS RIEN au légitime concert de louanges qui a accompagné la mort de Kaija Saariaho. Née en 1952 à Helsinki, parisienne depuis 1982, la compositrice avait étoffé sa formation musicale acquise à l’Académie Sibelius par la fréquentation de l’Ircam. De fait, comme le disait récemment Stéphane Roth, directeur du festival Musica, l’une des caractéristiques de sa musique était cet aller-retour constant entre la note et le bruit. Devenue l’une des musiciennes les plus fêtées de notre époque, Kaija Saariaho s’était notamment fait connaître par ses opéras : L’Amour de loin (Salzbourg, 2000), Adriana Mater (Paris, 2006) et Émilie (Lyon, 2010) sur des livrets d’Amin Maalouf, puis Only the sound remains (Amsterdam, 2016) et plus récemment Innocence (Festival d’Aix-en-Provence, 2022).

Kaija Saariaho nous avait accordé un long entretien à l’occasion de l’édition 2017 du festival Présences de Radio France. Elle nous avait raconté comment, à son arrivée à l’Ircam, elle était « concentrée sur le timbre et l’harmonie ». Elle ajoutait : « Puis mon intérêt s’est dirigé vers une écriture plus physique, et c’est ainsi que sont nés les premiers concertos tels que Amers ou Graal théâtre. (...) J’utilisais beaucoup l’électronique au début, mais quand j’ai commencé à écrire pour de grandes salles de concert et d’opéra, j’ai dû penser différemment l’apport de la technologie, ne fût-ce qu’en raison des grandes voix des chanteurs. Mais tous mes opéras ont une dimension électronique, y compris le dernier, Only The Sound Remains. »

Kaija Saariaho fait partie de ces nombreux musiciens (compositeurs, chefs d’orchestre, chanteurs) qui sont nés et se sont épanouis en Finlande avant de ravir le monde entier. De Paris à New York, elle reste l’une des figures les plus célèbres de la musique qu’on appelle contemporaine. Ce qui ne l’empêchait pas d’être inquiète quant au devenir de la musique : « On entend de la musique partout, mais il s’agit avant tout de consommation de produits hyper-formatés qu’il s’agit de vendre massivement dans le monde entier. (...) Il faut refuser la séduction immédiate de ces produits qui aboutit au vide spirituel, à la fin de toute raison d’être musicale. J’espère que la musique que nous défendons, qui se construit à partir d’une tradition exigeante, et tente de la prolonger et de la renouveler en favorisant l’invention et l’imagination, continuera d’exister. Elle n’a jamais été faite pour les masses ; cependant, en Finlande par exemple, il existe encore un enthousiasme véritable pour la musique contemporaine et les musiciens : tout le monde connaît Esa-Pekka Salonen, et moi-même, dans la rue, je vois souvent s’approcher de moi des gens qui souhaitent discuter de ma musique. (…) Mais rien ne dure, je le répète, s’il n’y a pas un enseignement qui exige des enfants autant qu’il leur donne. »

Il reste des partitions, nombreuses, et dans des genres très variés. Que les interprètes et les directeurs de salles et de festivals fassent vivre la musique de Kaija Saariaho !

Photographie : Priska Letterer (dr)

Saariaho : Lichtbogen (+ Webern, Mark André, Grisey). Ensemble intercontemporain, dir. Matthias Pintscher. Cité de la musique, vendredi 9 juin 2023, 20h30. Ce concert sera enregistré par Radio France et donc diffusé ultérieurement sur France Musique.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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