Dialogues des carmélites de Poulenc au Théâtre des Champs-Élysées

Poulenc lyrique et mystique

Révélée l’année du centenaire du Théâtre des Champs-Élysées, la mise en scène d’Olivier Py y est reprise pour la seconde fois.

Poulenc lyrique et mystique

IL EST SINGULIER QUE DEUX MISES EN SCÈNE d’Olivier Py soient simultanément à l’affiche de deux théâtres lyriques parisiens, plus encore qu’il s’agisse de deux des rares opéras de la seconde moitié du XXe siècle qui soient entrés au répertoire : The Rake’s Progress de Stravinsky et Dialogues des carmélites de Poulenc. Si on leur ajoute les ouvrages de Britten, Le Grand Macabre de Ligeti, et sans préjuger du destin que connaîtront ceux de compositeurs récemment disparus (Philippe Boesmans, Kaija Saariaho) ou vivants, rares en effet sont les opéras écrits depuis 1945 qu’il soit possible de voir régulièrement représentés.

La production signée Olivier Py de Dialogues des carmélites avait vu le jour en 2013 et avait été reprise une première fois en 2018 avant de revenir à l’affiche du Théâtre des Champs-Élysées*. Légèrement modifiée en 2018, la distribution de cette seconde reprise a été elle aussi en partie remaniée, mais on retrouve Véronique Gens (toujours Madame Lidoine), Patricia Petibon (cette fois Mère Marie), Sophie Koch (cette fois Madame de Croissy), ainsi que Matthieu Lécroart dans trois petits rôles masculins. En 2024, c’est Vannina Santoni qui est Blanche, et la très prometteuse Manon Lamaison qui prête sa voix à Constance. Sans distinguer les mérites des unes et des autres, on soulignera la pertinence qui a présidé au choix des différentes chanteuses, que Poulenc lui-même avait d’une certaine manière distribuées en confiant Madame de Croissy à un contralto (mais Sophie Koch a plutôt une voix de mezzo), Blanche et Madame Lidoine à un soprano (mais Véronique Gens a une voix plus corsée que Vannina Santoni), Constance à un soprano léger, etc. Et on appréciera que Sahy Ratia fasse preuve d’un chant de plus en plus châtié, avec de beaux aigus qui donnent de l’élégance au personnage du Chevalier de La Force.

Angoisse et terreur

La mise en scène, reprise par Daniel Izzo, permet de découvrir l’autre facette des talents d’Olivier Py, si l’on part du principe que The Rake’s Progress lui donnait l’occasion de déployer son amour du travestissement et du music-hall. Poulenc ne se présentait-il pas comme un moine doublé d’un voyou ? Olivier Py s’attache ici à exprimer la somme d’angoisses et de terreurs qui accompagne la foi des carmélites. Plutôt sobre mais fort bien éclairée, sa mise en scène est parfois balisée d’images spectaculaires (l’agonie de Madame de Croissy dans un lit verticalement accroché, comme si on l’envisageait d’en-haut) ou de tableaux naïfs (la crèche, la crucifixion), et tend vers une scène finale qui montre non pas la décapitation mais la transfiguration des religieuses.

On retrouve dans la fosse Les Siècles, en résidence au Théâtre des Champs-Élysées. Il ne s’agit pas ici de goûter la couleur des instruments du XVIIIe siècle ou même la saveur de ceux qui étaient utilisés à la bascule du XIXe et du XXe (l’opéra de Poulenc a été créé en 1957). Mais Karina Canellakis fait sonner avec une belle énergie un orchestre qui peut donner le meilleur de lui-même dans les actes II et III, plus mouvementés, le premier souffrant d’un certain statisme sur le plan dramatique. Le cor anglais, les cors et les percussions font partie des pupitres dont les interventions sont les plus saillantes.

Illustration : photo Vincent Pontet

* Un DVD du spectacle a été publié par Erato en 2014.

Poulenc : Dialogues des carmélites. Avec Patricia Petibon (Mère Marie de l’Incarnation), Vannina Santoni (Blanche de La Force), Véronique Gens (Madame Lidoine), Manon Lamaison (Sœur Constance de Saint Denis), Sophie Koch (Madame de Croissy), Marie Gautrot (Mère Jeanne de l’Enfant Jésus), Ramya Roy (Sœur Mathilde), Sahy Ratia (le Chevalier de La Force), Alexandre Duhamel (le Marquis de La Force), Loïc Félix (le Père confesseur du couvent), Blaise Rantoanina (le Premier commissaire), Yuri Kissin (le Second confesseur/Un officier), Matthieu Lécroart (le Geôlier, Monsieur Javelinot, Thierry). Mise en scène : Olivier Py ; décors & costumes : Pierre-André Weitz ; lumières : Bertrand Killy. Chœur Unikanti, Les Siècles, dir. Karina Canellakis. Théâtre des Champs-Élysées, 6 décembre 2024 ; représentations suivantes : 8, 10, 12 décembre.

A propos de l'auteur
Christian Wasselin
Christian Wasselin

Né à Marcq-en-Barœul (ville célébrée par Aragon), Christian Wasselin se partage entre la fiction et la musicographie. On lui doit notamment plusieurs livres consacrés à Berlioz (Berlioz, les deux ailes de l’âme, Gallimard ; Berlioz ou le Voyage...

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