Opéra National de Paris - Palais Garnier jusqu’au 30 décembre 2009

Platée de Jean-Philippe Rameau

L’inusable fantaisie de la mare aux grenouilles de Laurent Pelly

Platée de Jean-Philippe Rameau

Il y a dix ans tout juste quand est née cette ébouriffante mise en boite de la Platée de Rameau, le metteur en scène Laurent Pelly n’avait abordé qu’une fois le terrain de l’opéra avec un Orphée aux Enfers - déjà savoureux - monté à Lyon. La mare aux grenouilles qu’il inventa pour illustrer la fable pastiche que Rameau composa en 1745 pour le mariage du Dauphin et de l’Infante d’Espagne le propulsa au premier rang des nouveaux visiteurs du lyrique. La Belle Hélène, Ariane à Naxos, La Grande Duchesse de Gerolstein allaient rapidement confirmer cette place qu’il n’a plus quittée.

C’est donc la troisième fois qu’est repris au Palais Garnier ce petit chef d’œuvre d’humour où les gags fusent comme des pets, coquins, déjantés, abracadabrants, folledingues osant tout sans jamais tomber dans la facilité encore moins dans le vulgaire. C’est et reste un régal qui dilate les rates les plus coincées et fait du bien. Autant dire qu’à l’approche des fêtes de fin d’année, il constitue une sorte de must que l’Opéra de Paris exploite pour le plaisir de tous.

Presque tous les hurluberlus chanteurs et danseurs d’origine sont à nouveau au rendez-vous à commencer par Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre-Grenoble dans la fosse surélevée pour cause d’instruments anciens du répertoire baroque. L’avantage du dispositif n’est pas seulement acoustique, il permet d’observer le maestro qui se régale à faire pétiller Rameau en bulles de champagne et à nouer avec les chanteurs une complicité en farces et attrapes.

Végétaux bizarres, bestioles surréalistes, costumes extravagants

« Quoi quoi quoi », ça coasse cocasse dans l’étrange ménagerie aquatique qui s’imprime dans le décor d’un théâtre, comme si la scène devenait le miroir de la salle. …Au fil des bourrasques les gradins éclatent, se couvrent de mousse de végétaux bizarres et de bestioles surréalistes qui peuplent le plateau où les dieux de l’Olympe descendent accrochés à des lustres… En costumes extravagants, danseurs et danseuses du corps de ballet s’ébattent dans la chorégraphie rocambolesque de Laura Scozzi.

On retrouve avec bonheur les principaux protagonistes des précédentes distributions et qu’importe si certains comme Alain Vernhes ont perdu quelques degrés de leur tonus vocal, Yann Beuron/Mercure fringué en star de music hall manipule toujours ses aigus et son jeu à la perfection, Mireille Delunsch, une fois de plus, impose une désopilante Folie, diva shootée de musique jusque dans les feuilles de partitions qui compose sa robe. Le Jupiter de François Lis a de la gueule et de beaux graves tandis que la Junon chic et choc de Doris Lamprecht lui fait écho avec le même punch.

La gaucherie bouffonne de Paul Agnew

Le clou de la soirée repose toujours sur les épaules, la voix, la dérision et la présence de Paul Agnew qui incarne le rôle titre (en alternance avec Jean-Paul Fouchécourt). Passé du timbre de haute contre à celui de ténor léger, l’impayable Agnew continue de nager dans le baroque comme s’il était chez lui, mais au-delà de la performance vocale il interprète cette pauvre et laide Platée tournée en bourrique sur un caprice de Jupiter, avec une gaucherie bouffonne qui la rend attendrissante. Humaine en quelque sorte.

Platée de Jean-Philippe Rameau, chœur et orchestre du Louvre Grenoble direction Marc Minkowski, mise en scène et costumes Laurent Pelly, décors Chantal Thomas, chorégraphie Laura Scozzi, lumières Joël Adam, dramaturgie Agathe Mélinand. Avec Paul Agnew (en alternance avec Jean-Paul Fouchécourt), Mireille Delunsch, Yann Beuron, François Lis, Doris Lamprecht, Alain Vernhes, Xavier Mas, Marc Labonnette, Aimery Lefèvre, Judith Gauthier.

Opéra National de Paris – Palais Garnier, jusqu’au 30 décembre 2009

+33 (0)8 92 89 90 90 – www.operadeparis.fr

crédit photos :
photo 1 : Opéra national de Paris/ E. Mahoudeau
photo 2 : Opéra national de Paris/ Christian Leiber

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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