Nous, animaux - Au-dedans la forêt
Double immersion théâtrale
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- 6 novembre
- Critiques
- Jeune Public
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Deux réalisations originales proposent des immersions à la fois dans la nature et dans des univers théâtraux. La première emmène le jeune public dans un vrai coin de nature pour y accueillir la visite d’une créature venue du futur. La seconde retrace un parcours d’enfants abandonnés en pleine forêt. Tous les sens sont sollicités dans l’une ; l’oreille est utilisée pour ré-imaginer le conte et son décor sans l’appoint du regard.
Nous, animaux
Les jeunes petits spectateurs sont invités à se promener dans un lieu choisi pour son sol herbeux, ses végétaux divers (arbres, buissons, fleurs..). Ils ne sont plus en ville. Ils sont dans un parc ou une forêt. Il leur est demandé de marcher lentement, silencieux, attentifs aux bruits du vent dans les feuilles, aux chants éventuels d’oiseaux ou autres volatiles. Qu’ils regardent aussi les couleurs végétales ou minérales ; qu’ils perçoivent l’une ou l’autre odeur, touchent l’écorce d’un arbre.
Au détour d’un tronc, de derrière un buisson, voici qu’ils rencontrent Zade, une créature venue du futur et d’un autre espace que celui de la terre, là où tout a été bétonné, construit, entassé dans de grandes cités polluées. La voyageuse est venue pour se rendre compte de ce qu’est la nature sur notre planète. En quoi elle est vivante, diversifiée, complémentaire.
Zade raconte ses découvertes, explique ses observations, ses trouvailles. Elle attire l’attention sur des feuilles, des plumes, de petits objets. Elle découvre et montre des habitats. Ramène l’attention vers ce que nous ne regardons plus assez autour de nous, vers ce que nous n’écoutons plus vraiment. À la fois clown et naturaliste, Aurore Latour narre, démontre, propose, échange.
C’est un moment privilégié sans téléphone portable, sans écran de télé ou d’ordi, sans technologie. Hormis, discrète, une bande son d’Eric Ronse qui complète ce que la nature ne donne pas sur commande car, malgré tout, nous sommes en théâtre.
C’est une base de réflexion sur notre façon de percevoir le monde, sur les difficultés écologiques qui nous interrogent. À prolonger en classe ou à la maison. L’échange se passe en direct, sans barrière, simplement grâce au jeu corporel et la parole, avec l’appoint de quelques accessoires. La réalité du décor sert d’écrin pour une fiction qui s’applique à mettre en évidence le réel. Ce qui est vraiment un des rôles du théâtre à l’école comme ailleurs.
Au-dedans la forêt
C’est une histoire d’un trio d’enfants, un garçon ainé et deux petites sœurs, abandonnés, perdus dans une forêt que content Daniela Ginevro et les comédiens de la Guimbarde. Une histoire toute simple mais qui évoque des choses importantes et compliquées comme la différence entre des humains ordinaires et d’autres portant en eux des perceptions décalées du quotidien ordinaire.
Elle nous rappelle nos peurs, notamment celle de nous retrouver seuls, sans la présence de personnes connues ou rassurantes. Et nous dit aussi des blessures physiques ainsi que des traumatismes intérieurs. Elle nous interroge sur qui est sauvage ou doux, ce qui est considéré comme normal et ce qui ne l’est pas, sur la possibilité d’inventer des solutions qui font grandir face à une situation angoissante.
Le gamin a une imagination débordante. Adèle, sa sœur, cherche à oublier ce qui terrifie. Jeanne la cadette, s’applique à s’occuper des autres et s’intègre à un univers hostile. Ils en arriveront, pour s’en sortir, à changer d’identité. Lui, dont « les pensées à l’intérieur sont chamboulées » sera un Géant ; l’aînée une Renarde, celle qui désire changer leur prénom en un autre nom, et la petite, attentive à tout ce qui se passe, Mésange.
A leurs côtés, une adulte particulière, celle qui « accompagne les enfants à l’hôpital » et, parfois, aussi doit « traiter les parents », Béatrice, tentera de les apprivoiser.
Ce qui, finalement, mène à réfléchir sur une réalité particulière : celle des familles ou des individus qui sont marginalisés par une société parfois très exclusive. Que ce soit à travers le harcèlement scolaire, le racisme ordinaire, les clivages sociaux la précarité économique.
L’immersion, dans cette création de la compagnie « La Guimbarde », c’est que le théâtre qui est présenté est un univers sonore. Chaque spectateur a reçu des écouteurs. La pièce ne sera pas jouée sur scène mais racontée devant des micros et accompagnée par un univers acoustique créé par Camille Sansterre, Ludovic Pachterbeke et Matthias Billard. D’ailleurs, dans la pénombre, c’est un enregistreur qui est éclairé par les projecteurs car il est le… ‘personnage’ principal. C’est donc, avec la présence réelle des comédiens, la même sollicitation à l’imaginaire que lors d’une pièce radiophonique.
Nous animaux
Dès 8 ans
Durée : 1h
En tournée :
07-09.10.2024 Ekla Domaine de la Louve La Louvière (Be)
Ecriture et mise en scène : Julie Marichal ; Jeu : Aurore Latour ; Scénographie : Laurence Drevard ;
Son : Eric Ronsse ; Costume, dessins du carnet : Sylvie Pichrist ; Accompagnement à la dramaturgie : Emmanuelle Bonmariage ; Accompagnement corporel : Natacha Nicora ; Soutien chanson : Marie-Sophie Talbot ;
Crédit photo © Sarah Celeapca ; Production : Cie Histoires publiques
Lire : Vinciane Despret, Chez-soi des animaux, Arles, Actes Sud, 2017
Au-dedans la forêt
Dès 10 ans
Durée : 55’
En tournée :
25-26.03.2025 Palais des Beaux-Arts Charleroi (Be)
25.04.2025 Palace Ath (Be)
Ecriture : Daniela Ginevro ; Mise en son : Camille Sansterre, Pierre Jacquin ; Accompagnement artistique : Daniela Ginevro, Gaëtane Reginster ; Interprétation : Louise Jacob, Julie Leyder, Laurie Perissutti, Matthias Billard ; Créateur musical : Matthias Billard ; Créateur sonore : Ludovic Van Pachterbeke ; Création et régie lumière : Vincent Stevens ; Ingénieur du son : Brice Tellier ; Photo © Olivier Calicis ; voix : enfants de la Cité de l’Enfance.
Lire : Daniela Ginevro, Au-dedans la forêt, Carnières, Lansman, 52p.(10€), Prix Annick Lansman 2023