Marie-Antoinette, Correspondances privées d’Evelyne Lever
Une belle appropriation d’une figure historique
L’Histoire nous transmet des images contrastées de Marie-Antoinette, souvent peu favorables lorsqu’on se situe dans la tradition des récits républicains. Evelyne Lever s’en tient à un regard documentaire et humain quand elle écrit cette pièce, d’abord créée par Marianne Basler puis renouvelée à présent par l’interprétation de Fabienne Périneau et la mise en scène de Sally Micaleff. Elle a utilisé la correspondance et quelques documents laissés par la reine de France, restituant sa parole, jour après jour. Ces annales sont connues, mais les voilà contées de l’intérieur. La jeune femme s’exprime dès son arrivée à Versailles. Fille de l’empereur d’Autriche, elle épouse un Louis XVI d’abord totalement indifférent. Le roi mettra des mois à « honorer » son épouse, et les enfants naîtront. Le royaume de France semble sauvé, mais les députés et les révolutionnaires vont réduire le pouvoir du monarque, puis emprisonner le couple royal. La reine, comme chacun sait, finira sur l’échafaud, âgée de 38 ans.
La mise en scène de Sally Micaleff, discrète, avec un sens très sûr des tempos lents et des tempos rapides, place et déplace l’unique personnage entre le canapé rose et l’écritoire beige d’un salon où, semble-t-il, on ne reçoit guère et où l’on se parle à soi-même. Fabienne Périneau, actrice (et aussi un écrivain) dont on ne découvre pas le talent – elle fut si remarquable dans des spectacles de Maréchal, Tabard, Désveaux… -, joue là l’un de ses rôles les plus importants. Elle dessine, touche après touche le charme, la joliesse, l’innocence, la naïveté, la fragilité, les humeurs changeantes de la jeune femme, son ennui aussi, son sentimentalisme bridé par la bienséance, puis, succédant aux blessures légères, les déchirures d’un être pris au piège et qui ne veut pas ne pas croire à l’espoir. Ici, tout est dans la gamme des sensibilités qui est chez Fabienne Périneau particulièrement étendue. L’on assiste à la réinvention d’une figure historique mal-aimée, ici embrassée et embrasée par le théâtre.
Marie-Antoinette, Correspondances privées d’Evelyne Lever, mise en scène de Sally Micaleff, costumes de Franck Sorbier Couture, lumières de Christian Drillon, son de Kidedo, avec Fabienne Périneau.
Lucernaire, 19 h, tél. : 01 45 44 57 44, jusqu’au 7 mai. (Durée : 1 h 10).
Photo Pascal Victor.