« Les idiots » de Claudine Galea aux éditions Espace 34
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- 3 mai 2006
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Il est très appréciable de trouver un ouvrage de théâtre se suffisant à sa propre lecture, écriture faites pour l’oreille et qui ouvre en tiroir les images tirées de notre imaginaire. L’auteur, Claudine Galea se fait fi de toute convention d’écriture normative.
Comme dans le réel, elle nous offre des destins et des fragments d’existence qui se croisent et s’entrecroisent. Mais redouble-t-elle d’audace en imposant d’emblée une facture stylistique qui dépasse de loin le figuratif. L’ensemble de l’œuvre s’étend et se faufile comme un serpent furtif qui nous entraîne sous des roches inattendues.
Quant au support dramatique ? C’est quoi au juste, même si la matière textuelle n’appartient pas à une construction particulièrement dialoguée on y lit très concrètement les fragments dispersés volontairement par l’auteur : fragments d’existence d’une famille qui tente, chacun dans son espace mental, de fuir les obsessions carcérales qu’elle produit de son intérieur et qui toutefois la conditionne :
Ange, fille de treize a enjambé son enfance pour tomber amoureuse de Chris, 23 ans lequel empêtré dans sa maturité ne peut pas assumer cet amour sublimé. Des parents absents qui se sont tracé des petites lignes de délires minables. Quelques-uns autres tel que Pat et Dean, 19 ans, qui cherchent leur réel à travers une errance compulsive.
Alors on bouscule la morale, on trempe les personnages dans des parcours mentaux qui ne correspondent pas aux labyrinthes classiques, on échappe ainsi à la morale judéo-chrétienne en donnant la parole à des êtres libérés. Et même si parfois l’immoralité excessive se fait justement foi elle est rédemptrice de toute facture sournoise. On affiche ici des personnages quasiment « imprononçables » et l’auteur a le courage conscient ou inconscient de ne rien nous épargner. Il y a dans cette oeuvre un souffle osé qui dépasse parfois la cruauté du langage dans lequel sont inscrits les sujets. Sorte d’appel lyrique à une rédemption d’écriture.
L’immoralité, la liberté d’exister et de penser des personnages nous plaquent devant les petites frontières de nos interdits inavoués ou inavouables. Souhaitons que cet argument ait été, depuis, monté avec tout son charme iconoclaste. On peut aussi ajouter en toute simplicité et sans niaiserie que cet ouvrage est d’une grande poésie.
Jacky Viallon
« Les Idiots » de Claudine Galéa , Editions Espaces 34, 2OO4 Coll.Espace Théâtre