Paris, Comédie Française et en alternance

Les Oiseaux d’Aristophane

Le ramage et le plumage

Les Oiseaux d'Aristophane

La démocratie ne serait-elle qu’un caquetage de volière ? Oui, semble nous répondre Aristophane dont la verve satirique ne s’exerça pas seulement contre les bellicistes ou les corrompus. Plus réactionnaire que hardi démocrate, il ferraille également contre les utopies de son temps. Avec Les Oiseaux, c’est l’échec d’un rêve, la création d’une cité idéale qu’il met en scène.

Fatigués de vivre au milieu des procès, deux athéniens, Pisthetairos (Fidèle ami) et Evelpidès (Bon espoir), décident de fuir la ville. Guidés, l’un par une corneille, l’autre par un choucas, ils vont rendre visite à la Huppe, un humain devenu oiseau par la volonté des dieux, pour lui demander s’il avait connaissance d’un coin tranquille où ils pourraient s’établir. Séduit par le récit idyllique de la vie des oiseaux que leur fait la Huppe, Pisthetairos, qui réfléchit vite et est beau parleur, convainc les oiseaux de fonder une cité idéale qui fera barrage entre les hommes et les dieux. Située à égale distance des uns et des autres, Coucou-les-Nuées se voit assaillie d’intrus d’en haut et d’en bas.

Les oiseaux qui ont cru aux beaux discours, verront leur rêve de cité idéale se fracasser contre l’exercice du pouvoir de Pisthetairos qui en a pris les commandes. Dindons de la farce, il devront se soumettre à l’ordre démocratique ou servir de casse-croûte en cas de rébellion.
Si le rêve d’une cité idéale reste actuel, la fantaisie débridée qui l’emmaillote, présentée aux jeux d’Athènes en 414, est farcie de jeux de mots et d’allusions à une actualité immédiate qui nous échappent aujourd’hui, à des personnages que nous ne connaissons pas.
Pour résoudre la distance, Alfredo Arias, qui signe l’adaptation et la mise en scène, substitue « la réalité immédiate » d’Aristophane à la sienne, aujourd’hui, et la met à sa main de créateur pour qui le théâtre est la seule terre habitable. Ainsi, sous l’aile des volatiles d’Aristophane greffe-t-il un zest d’ADN de célèbres personnages de théâtre, qui deviennent les chimériques intermédiaires entre les citoyens et ceux qui les gouvernent.

Une chatoyante fantaisie musicale

Et puisque Les Oiseaux font leur entrée au répertoire de la Comédie Française, c’est elle qui devient le rêve de la cité idéale. Ce qui ne manque pas de sel quand on sait que les avatars des lois démocratiques qui régissent la vénérable institution font de Catherine Hiégel, comédienne majuscule et de ceux qui la font rayonner, une sociétaire honoraire ! Ironie suprême, pour un de ses derniers rôles au Français, c’est à elle qu’échoit celui de l’habile maître d’œuvre de la Cité des oiseaux à qui elle inocule en finesse, toute sa menaçante vérité.

Par ses allusions aux problèmes et travers de notre moderne société, comme dans sa manière de jouer sur tous les registres, de la farce, du grotesque, de la caricature comme de la féerie, la translation de Coucou-les-Nuées en Coucou-sur-scène (beaux décors de Roberto Platé) est fidèle à l’essence comme à l’esprit d’Aristophane. Elle s’opère en une fastueuse et chatoyante fantaisie musicale, magistralement emplumée par l’inventive Françoise Tournafond qui signe les costumes, mais qui souffre des mélodies un peu trop conventionnelles de Bruno Coulais. Un inconvénient heureusement compensé, à quelques exceptions près, par l’alacrité d’une troupe qui s’amuse et nous amuse de la métaphore. Parmi ceux-ci, outre Catherine Hiégel, Loïc Corbery, Coryphée survitaminé, Catherine Salviat Huppe-Folle de Chaillot chef de troupe déterminée, Hervé Pierre clown Fregoli, composant un irrésistible Karl Lagerfeld vendeur de décrets. Par la faconde imaginative de leur jeu, ils donnent tout son jus à un spectacle qui conjugue divertir et réfléchir. Aristophane ne faisait pas autre chose.

Les Oiseaux d’Aristophane. Traduction, adaptation, mise en scène Alfredo Arias
Avec Catherine Salviat, Catherine Hiégel, Martine Chevalier, Alain Langlet, Céline Samie, Loïc Corbery, Nicolas Lormeau, Shahrokh Moshkin Ghalam, Hervé Pierre, et les élèves-comédiens de la Comédie Française : Camille Blouet, Christophe Dumas, Florent Gouëlou, Géraldine Roguez, Chloé Schmutz, Renaud Triffault ;
Comédie Française, salle Richelieu en alternance jusqu’au 18 juillet
Durée 1h30 tel : 08 25 10 16 80

Texte publié à l’Avant-scène théâtre

photographie : Brigitte Enguérand

A propos de l'auteur
Dominique Darzacq
Dominique Darzacq

Journaliste, critique a collaboré notamment à France Inter, Connaissance des Arts, Le Monde, Révolution, TFI. En free lance a collaboré et collabore à divers revues et publications : notamment, Le Journal du Théâtre, Itinéraire, Théâtre Aujourd’hui....

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