jusqu’au 7 février et en tournée
Les Gens d’Edward Bond
Un quatuor post apocalypse
Depuis 1992, avec La Compagnie des hommes, Alain Françon poursuit un compagnonnage fructueux avec le dramaturge anglais. A son actif huit créations, dont une mémorable version de la trilogie Pièces de guerre en 1994. Aujourd’hui, il poursuit l’exploration d’un volet de cinq pièces regroupées sous le titre Le Cycle de Paris dont il a déjà représenté, Café, Le Crime du XXIème siècle, et Naîtreentre 2000 et 2006. Ce nouvel opus poursuit, comme ses œuvres précédentes, les interrogations de Bond sur la signification de la condition humaine, liées aux tragédies du monde contemporain. Avec une projection dans la fin du XXIème siècle, où, après une nouvelle guerre dévastatrice, se retrouve dans un no man’s land aride un quatuor tentant de survivre en questionnant le passé, mis en perspective avec un futur plus que problématique. Postern, tenu pour mort, mais torturé jusqu’au dernier souffle, Quelqu’un, en perte identitaire et de mémoire sur ses agissements passés, Margesson qui ressasse ses obsessions existentielles face à la mort, et Lambeth, femme pragmatique, qui dépouille cadavres et blessés pour organiser son quotidien. Ensemble, ils reflètent, sous divers registres, des êtres dévastés par la violence subie, laissant filtrer des échos des massacres vécus qui contribuent à leur enfermement moral, et aux interrogations sur leur trajectoire de vie.
Cette pièce de Bond (2005) s’apparente surtout à une ponctuation parmi les thèmes au centre de son œuvre et n’apporte guère d’éclairage nouveau sur les problématiques soulevées par l’auteur anglais.
Plus que jamais, lui qui revendique une écriture élaborée pour être jouée, trouve une résonance de poids dans la mise en scène de Alain Françon, qui exprime davantage les sensations provoquées par ce texte ( traduit avec sensibilité par Michel Vittoz) que son sens profond déjà abordé à maintes reprises. Dans le décor évocateur, au sol travaillé d’une grande force plastique, de Jacque Gabel, sous les lumières ambiantes adaptées aux climats de Joël Hourbeight, et avec les costumes d’Anne Autran-Dumour, se dessine une esthétique de l’horreur propre à la situation évoquée. L’impact de la parole prend sa force tout autant dans les inflexions des mots et des phrases que dans l’expression des corps des comédiens traduisant tourments et violences liés à cette situation. Dans ce domaine, Aurélien Recoing (saisissant Postern à l’approche de la mort), Dominique Valadié (combattante Lambeth attachée à survivre) et a un degré moindre Alain Rimoux (Margerson ) et Pierre-Felix Gravière (Quelqu’un) reflètent les aspects d’un monde en perte d’humanité. Une représentation dont on sort un peu sonné … pour différentes raisons.
Les Gens de Edward Bond, texte français Michel Vittoz (L’Arche éditeur), mise en scène Alain Françon, décor Jacques Gabel, lumière Joël Hourbeight, costumes Anne Autran-Dumour, son Léonard Françon, avec Pierre-Félix Gravière, Aurélien Recoing, Alain Rimoux, Dominique Valadié. Durée :1 heure 35.
Théâtre Gérard Philipe – Saint-Denis jusqu’au 7 février 2014. Comédie de Saint-Etienne du 11 au 14 février, Comédie de Valence les 19 et 20 février, TNP – Villeurbanne du 26 février au 8 mars 2014.
Photos Michel Corbu