Le Monte-Plats de Pinter
Mauvais genre
Dans l’œuvre de Pinter, Le Monte-Plats est soit l’une de ses pièces les plus mystérieuses, soit celle où il se moque le plus du monde ! Car elle est bien inexpliquée, mais pas inexplicable, cette comédie noire où deux truands attendent dans un sous-sol qu’on leur indique la prochaine tuerie à faire et le prochain plat à déguster. Ils parlent en parallèle plus qu’ils ne dialoguent, jusqu’à le monte-plats leur serve une nourriture longtemps attendue.
Bien sûr, c’est un texte sur le caractère occulte du pouvoir et de ceux qui tirent les ficelles dans l’ombre. Mais l’on s’amuse beaucoup aussi des errances mentales des deux personnages qui ne comprennent rien à rien mais croient comprendre les rouages où ils sont ballottés. Etienne Launay, dans sa mise en scène, s’enchante à amplifier le mystère : il a doublé les personnages. La pièce est prise en charge par deux couples de gangsters, se relayant d’une scène à l’autre. Ce jeu de dédoublement devient la colonne vertébrale du spectacle, à partir de laquelle les acteurs cherchent à être le plus zonards possible. Benjamin Kühn, Simon Larvaron, Bob Levasseur et Mathias Minne cultivent le mauvais genre de façon vraisemblable et réjouissante. Plus plébéiens, plus crades, plus douteux, tu meurs ! Du coup, ils sont si drôlement crapuleux que l’on est fasciné et qu’on ne cherche plus le monte-plats. D’ailleurs, la mise en scène de Launay a jugé inutile d’en mettre un. Et l’on s’en passe sans problèmes.
Le Monte-Plats d’Harold Pinter, texte français d’Hitch Hooper, Anatole de Bodinat et Alexis Victor, mise en scène d’Etienne Launay, musique d’Adrian Edeline, lumière de Kevin Hermen, assistanat de Pierre-Louis Laugiéras, avec Benjamin Kühn, Simon Larvaron, Bob Levasseur, Mathias Minne.
Lucernaire, 18 h 30, tél. : 01 45 44 57 34, jusqu’au 20 mai. (Durée : 1 h 05).
Photo Pierre-Louis Laugérias.