Le Chevreuil et Dalida de Clémence Caillouel

Une vie entre chatoiements effervescents et douleurs

Le Chevreuil et Dalida de Clémence Caillouel

Dalida se confie, lors d’un entretien : « Mon rêve a toujours été de devenir quelqu’un … Se suicider c’est une maladie, ne croyez pas que c’est un acte héroïque ou de courage… Si je recommençais ? Je ne sais pas. J’estime que la mort fait aussi partie de notre libre choix et que si un jour je devais me la donner, je me la donnerai, mais pas pour un désespoir quel qu’il soit. Une chose est sûre, je ne veux pas qu’on me vole ma mort. »

Opérette absurde et tragédie contemporaine ou fable tragi-comique déjantée et bouleversante, Le Chevreuil & Dalida revisite la vie d’une chanteuse mythique - univers décalé et fantastique où une tête de chevreuil suspendue au mur est une allégorie poétique du passage entre la vie et la mort.

Née le 17 janvier 1933 au Caire, dans une famille d’origine calabraise installée à Choubrah, un quartier populaire à dominante chrétienne, lolanda Gigliotti fut attirée très tôt par le spectacle.

« La vie m’est insupportable, pardonnez-moi. » Tel est le message, par lequel Iolanda Gigliotti quitta le monde en 1987, à Paris, après trente-deux ans de carrière. Ainsi s’en alla Dalida, chanteuse et actrice pleine de fierté et de tourment, dont la réussite ne comblait pas la soif de « quelque chose » qu’elle n’arrivait pas à nommer.

Elle devint une icône populaire en 1967, lorsque les journaux révélèrent le suicide de son ami, le chanteur italien Luigi Tenco. La vedette, la chanteuse, devint la femme que l’on admirait ou que l’on plaignait. Son public de l’Olympia ou de ses tournées nationales et internationales devinait, derrière les sourires et le strass, les coulisses de la vie, avec leur poids de tragédie.

Dalida était reçue comme une interprète « crédible », dont les chansons apparaissaient comme des transpositions idéalisées d’histoires et d’affects partagés avec son public. (Jean-Claude Klein, « Iolanda Gigliotti dite Dalida (1933-1987) », Encyclopædia Universalis)

Dans le spectacle de Jessica Walker qu’interprète la généreuse Clémence Caillouel, Dalida reçoit à Porto-Vecchio, entre fête et légèreté. Interviewée, elle revient sur ses tubes, rêves et blessures.
Entre parodie et incarnation, réalité et fiction, les événements de sa vie sont posés en majesté, soit la tragédie d’une héroïne populaire, devenue un « mythe miroir » de nos propres vulnérabilités.

Le personnage de Dalida est extrapolé pour révéler ses traits les plus singuliers, en la déréalisant. Clémence Caillouel offre une interprétation non réaliste, grotesque, absurde - rire et drame. Une opérette entre chant et parole - le défi de raconter la mélancolie et le mal de vivre d’une héroïne.

Un patchwork composé des mots de Dalida - interviews, chansons - Itsi bitsi petit Bikini,Ciao Amore Ciao, Seule avec moi, Le temps des fleurs, Il venait d’avoir 18 ans. Avec le temps, je suis malade -, et extraits de Candide de Voltaire, de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman.

« Profite, tu profites pas, profite… Il faut aimer la vie, il faut vivre. C’est facile… Tu te lèves le matin, tu écoutes ta petite radio, tu beurres tes tartines et roule ! Alors ça va … ça va… et d’un coup ça va plus. Y’a quelqu’un… Et y’a plus quelqu’un. T’es là et t’es plus là. » L’interprète reprend aussi le personnage de la Vieille dans Candide  :
« Je voulus cent fois me tuer, mais j’aimais encore la vie. Cette faiblesse ridicule est peut-être un de nos penchants les plus funestes … D’avoir son être en horreur et de tenir à son être ? Enfin de caresser le serpent qui nous dévore, jusqu’à ce qu’il nous ait mangé le coeur ? »

Une performance émouvante et magistrale de Clémence Caillouel, comédienne et clowne, à la mesure de l’icône populaire posée - sensibilité généreuse, clairvoyance et exigence extrêmes.

Le Chevreuil & Dalida, fable tragi-comique, création et jeu de Clémence Caillouel, mise en scène de Jessica Walker, création lumière Xavier Duthu. Festival Off Avignon, du 7 au 26 juillet 2022 à 20h30, relâches les 13 et 20, à Artéphile 7, rue du Bourg-Neuf 84000 - Avignon.

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Véronique Hotte

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