La mort de Claude Sévenier ancien directeur et fondateur du Théâtre de Sartrouville
La disparition d’un précurseur discret
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- 24 février 2016
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Claude Sevenier est mort de 22 février des suites d’une longue et douloureuse maladie comme on dit pudiquement. Décidément ces sales bêtes de crabes ne respectent rien, même pas ceux dont l’action a su modifier le paysage culturel.
Fondateur du Théâtre de Sartrouville qu’il dirigea pendant quarante ans, Claude Sévenier mis sur orbite quelques idées et projets qui aujourd’hui vont de soi mais qui alors étaient totalement inédits.
En 1966, Claude Sévenier, même pas la trentaine, animateur culturel bénévole, convaincu que le théâtre pouvait exister dans une banlieue pauvre et sans histoire , invite à s’installer dans la salle des fêtes de Sartrouville, une jeune équipe qui venait de se faire connaître à Paris avec L’Affaire de la rue de Lourcine. Celle qu’emmenaient Patrice Chéreau et Jean-Pierre Vincent. On vint de Paris voir les spectacles et l’envol d’une troupe restée à jamais glorieuse. Pour brève que fut l’aventure qui se termina en 1968, elle fut la fusée qui mit sur orbite celle du Théâtre de Sartrouville en même temps qu’elle signait les affinités de celui qui le dirigea. Vigie attentive à faire fructifier ses premières récoltes, Claude Sévenier, persuadé que la conquête du public passe d’abord par la présence artistique sur le terrain, mena son combat sur tous les fronts : institutions nationales, collectivités municipales et départementales, avec pour continuer Catherine Dasté et sa compagnie de la Pomme Verte qui scellera une des identités du Théâtre de Sartrouville.
Lorsqu’enfin et après de nombreuses batailles, il inaugure en 1986 ce vaisseau de béton et de verre qu’est aujourd’hui le Théâtre de Sartrouville, il en fait le creuset d’une nouvelle aventure qui se vivrait à plusieurs et invente une formule insolite pour l’époque celle de l’artiste associé, proposition moins éphémère que l’artiste en résidence. « Soyez chez moi comme chez vous » dit-il, alors, à Joël Jouanneau, Angélique Ionatos, Cécile Garcia-Fogel. Si aujourd’hui il semble inconcevable qu’un Centre Dramatique National n’ait pas un ou deux artistes associés, il y a trente ans le concept relevait du prototype et en déconcertait beaucoup. C’est lui aussi, et avec la complicité de Joël Jouanneau, qui renouvellera l’idée de la création en direction du jeune public en invitant des artistes tels Olivier Py, Stanislas Nordey, Brigitte Jaques-Wajman, Philippe Adrien, Laurent Pelly et d’autres à venir à Sartrouville créer des spectacles pour les enfants. C’est lui aussi qui inventa et lança cette aventure singulière et plurielle d’Odyssées en Yvelines qui pendant plusieurs semaines fait du département un territoire dont le Prince est un enfant qui va au théâtre, et qui reste aujourd’hui une des manifestations phare en ce domaine.
Depuis quelques années, Claude Sévenier, en aventurier qu’il était, s’était investi dans le Off Avignon et assurait, avec Martine Spangaro, la direction artistique du Petit Louvre. A cet endroit-là, il s’agissait pour lui d’un nouveau pari, et pas des moindres, celui de nouer ensemble les contraintes du théâtre privé et les exigences du service public.
Homme de conviction plus que de communication, Claude Sévenier, sans effet de manche mais alliant intuition et efficacité, n’aura eu de cesse de faire bouger les lignes, pour le bénéfice des artistes et du public.
Photo ©DR