Portrait - Opéra Classique

La foi de charbonnier de Jean-Christophe Spinosi

La foi de charbonnier de Jean-Christophe Spinosi

Si c’est avec Vivaldi et Haendel qu’il s’est révélé, avec Mozart ou Rossini qu’il compte parmi les chevaux légers du baroque, les partis-pris très personnels de Jean Christophe Spinosi ne laissent jamais indifférents. Avec la Missa Solemnis de Beethoven, il revendique cet esprit aventurier qu’il assume au risque de déplaire. Garder sa liberté vaut bien une messe.

« Ce que j’adore dans Beethoven, c’est son côté rock’n’roll. » Les chevaux légers de la musique baroque osent tout, et c’est même avec cette fougue qu’on les reconnait. « Son écriture n’est jamais logique pour l’instrumentarium. Il faut respecter cet inconfort ! » Quand nous l’avons rencontré début juin, la tournée européenne de la Missa Solemnis n’avait pas encore débutée : la première fut à Auvers le 9 juillet, elle l’emmène cet été à Beaune le 25 juillet et à Annecy le 26 aout*. C’est avec la même gourmandise et souci du détail de l’instrumentarium qui caractérise la pâte sonore et le succès d’un parcours mené tambour battant qu’il envisage cette Missa Solemnis, balayant d’avance les commentaires des grincheux : « Ce qui m’intéresse dans toute production, et ce chef d’œuvre spirituel en particulier, c’est de capter ce qui nous parle d’aujourd’hui. Le respect de l’Histoire et une soi-disante authenticité ne m’intéresse pas. A quoi bon récréer des circonstances d’exécution qui étaient souvent calamiteuses. »

Celui qui avoue sans ambages jouer sur instruments anciens uniquement pour l’aspect ludique de la chose revendique l’esprit des premiers pionniers du mouvement baroque démarré non sans mal dans les années 70. Comme les Harnoncourt, Gardiner… le violoniste et chef de l’ensemble Matheus vient de l’instrument moderne et c’est en autodidacte qu’il a plongé dans le chaudron vivaldien, puis haendélien, avec une évidence et une immédiateté rare qui fascine les solistes, les chœurs et le public. N’hésitant jamais à faire sienne les partitions qu’il entreprend notamment en fouillant les couleurs pour libérer des sons « souvent risqués pour nos oreilles modernes » lance-t-il dans un rire épanoui : « S’il faut changer quelque chose en fonction de l’acoustique de la salle ou de tel ou tel instrument, cela ne me dérange pas. Mon seul objectif est de rester en phase avec la vie ; faire évoluer les choses comme elle évoluait en permanence à l’époque. Je cherche à travailler le plus fidèlement possible notamment à partir des sources autographes pour être le plus libre possible. »

Avec la complicité de son ensemble Matheus, il a trouvé sa dynamique de Monteverdi (il sera à Vienne pour Un couronnement de Poppée du 1à au 23 octobre 2015) à Rossini, en passant par Mozart et Haendel, et bientôt Verdi et Brahms ! En attendant pour sa Missa Solemnis rien ne doit être figé : « la vision sincère de Beethoven est un acte spirituel dans un monde fou, c’est l’occasion de faire vivre la foi que contient la partition. Il ne faut ni chercher à résoudre ou à gommer les problèmes que Beethoven pose. L’émotion vient aussi de cette insécurité permanente. Cela ne doit pas nous empêcher de montrer ce qui est essentiel. La musique va tellement plus loin de que les paroles. C’est cette simplicité que je vais essayer de donner. »
Autant dire que le bouillant chef n’a pas finit de nous surprendre. Attachez vos ceintures !

Beethoven, Missa Solemnis, Direction : Jean-Christophe Spinosi avec : Adriana Kucerova, soprano, Clémentine Margaine, alto, Julien Behr, ténor, Luigi De Donato, basse
Le Choeur de chambre Mélisme(s), dirigé par Gildas Pungier.
• 25 juillet 2015, Festival international d’opéras baroques et romantiques de Beaune, Basilique Notre Dame, (+33) (0)3 80 22 97 20 www.festivalbeaune.com/
• 26 aout 2015, Annecy Classic Festival, Eglise St Bernadette, (+33) (0)4 50 51 67 67 - www.annecyclassicfestival.com/
• 18 novembre 2015, Aix en Provence, Grand Théâtre de Provence : (+33) (0)4 42 91 69 70 - http://www.lestheatres.net/fr/

A propos de l'auteur
Olivier Olgan
Olivier Olgan

Diplômé de Sciences Po et licence de Droit, parallèlement à une carrière de consultant en communication institutionnelle et culturelle, Olivier Le Guay - Olgan a contribué à la rubrique musicale et multimédia de La Tribune de 1991 à 2006, et effectué de...

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