Paris – Théâtre des Champs Elysées jusqu’au 20 avril 2012

La Didone de Francesco Cavalli

Perle vénitienne

La Didone de Francesco Cavalli

De Troie détruite à Carthage en escale, les dieux, demi dieux, et mortels racontent sur la scène du Théâtre des Champs Elysées, l’impossible épopée amoureuse d’Enée et de Didon. Portée par la poésie de la musique de Francesco Cavalli (1602-1676) élève, disciple et collaborateur de Monteverdi, dont on ne cesse depuis quelques années de redécouvrir le génie. La Calisto , Egisto, Giasone, l’Ormindo, ont tour à tour pris place sur nos scènes avec le même effet de séduction. La Didone vient s’ajouter à la série et une fois de plus subjugue par sa délicatesse, son art secret de transformer les mots en chants subtils.

Voici donc Enée, parti de Troie dévastée par les Grecs avec pour mission divine de créer un nouvel empire, et Didon, reine de Carthage, rencontrée après le naufrage de sa flotte. De rebondissements en surprises, le livret de Busenello, ses personnages entre ciel et terre et ses parts de magie, est quasi impossible à résumer, mais il peut, sur scène, soutenu par les accents de Cavalli, faire se dérouler ses péripéties à la manière d’un livre d’images.

Avec William Christie et ses Arts Florissants la partie est pratiquement gagnée d’avance. Christie tutoie cette musique avec respect, il ne la bouscule jamais, il en fait couler la fluidité, il en enchante la transparence. On regrettera seulement que la fosse du Théâtre des Champs Elysées n’ait pas été davantage surélevée, comme c’est le cas traditionnellement pour les musiques de ce répertoire. D’où une impression d’écoute parfois trop feutrée.

Elégance sans risque

Après Denis Podalydès pour Don Pasquale de Donizetti créé récemment (voir WT du 17 février 2012), Michel Franck le directeur du théâtre a fait appel à d’autres membres de la Comédie Française, le jeune pensionnaire Clément Hervieu-Léger pour la mise en scène et le sociétaire Eric Ruf pour la scénographie. En élégance sans risque et sans parti pris de réactualisation socio-politique, leurs points de vue sont plutôt reposants. Un superbe premier acte où Troie en ruines couleur de charbon ruisselle de fumées, est suivi, pour les deux actes suivants par le décor plus convenu du palais de Carthage : un mur ocre et or percé d’un portail qui s’ouvre sur la mer.

Seul élément anachronique : un échafaudage de ravalement où pendouillent des tulles blancs. Une astuce décalée sans doute pour que les dieux et leurs copains puissent jouer à cache cache avec les héros qu’ils manipulent. Les éclairages sont raffinés, souvent à contre-jour, parfois parcimonieux, on aimerait ici ou là y voir aussi clair que ce que l’on entend.

Solide distribution

Solide distribution avec en tête le couple Didon/Enée, où l’amant – vocalement – domine l’amante. La rare puissance, le phrasé, le legato du ténor croate Kresimir Spicer en font un héros hors norme. Toutes les nuances de l’action passent par sa virilité, son articulation précise, sa ligne de chant. Anna Bonitatibus a de Didon toutes les ferveurs, toutes les ardeurs, toutes les déchirures. Katherine Watson en Cassandre bouleversée est bouleversante. Xavier Sabata en Iarba éperdu, Tehila Nini Goldstein en Creuse sacrifiée, Nicolas Rivenq, noble Anchise... chaque personnage a trouvé son double de chair et de voix. Avec une mention spéciale pour Damien Guillon, contre-ténor remplaçant dans la fosse son collègue Terry Wey souffrant, contraint, le soir de la première, de jouer muet les rôles d’Ascanio, Amore et Cacciatore.

La Didone de Francesco Cavalli, livret de Francesco Busenello, orchestre des Arts Florissants, direction William Christie, mise en scène Clément Hervieu-Léger, scénographie Eric Ruf, costumes Caroline de Vivaise, lumières Bertrand Couderc. Avec Anna Bonitatibus, Kresimir Spicer, Xavier Sabata, Maria Streijffert, Katherine Watson, Tehila Nini Goldstein, Mariana Rewerski, Claire Debono, Terry Wey, Nicolas Rivenq, Valerio Contaldo, Mathias Vidal, Joseph Cornwell, Francisco Borda.

Paris – Théâtre des Champs Elysée les 12, 14, 16, 18, 20 avril à 19h30

+33 (0)1 49 52 50 50 – www.theatrechampselysees.fr

Photos Vincent Pontet

A propos de l'auteur
Caroline Alexander
Caroline Alexander

Née dans des années de tourmente, réussit à échapper au pire, et, sur cette lancée continua à avancer en se faufilant entre les gouttes des orages. Par prudence sa famille la destinait à une carrière dans la confection pour dames. Par cabotinage, elle...

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