La Comédie française au programme d’Aix-en-Provence

Le Festival d’Aix-en-Provence fête ses 75 ans avec "L’Opéra de quat’sous", par la Comédie-Française, suivi de cinq nouvelles productions lyriques mises en scène.

La Comédie française au programme d'Aix-en-Provence

Toujours soucieux d’« élargir les contours de l’opéra », Pierre Audi, directeur du Festival depuis 2016, n’était pas peu fier d’annoncer, lors d’une conférence de presse, le mercredi 23 novembre, que la célébration des 75 ans du Festival s’ouvrirait, le 4 juillet, sur une nouvelle production de L’Opéra de quat’sous de Bertolt Brecht, Kurt Weill et Elisabeth Hauptmann. Et que ce chef-d’œuvre du théâtre musical de la période expressionniste sera joué et chanté par la troupe de la Comédie-Française, dirigée par Thomas Ostermeier. Le fameux metteur en scène allemand, familier de la troupe avec laquelle il donne en ce moment même un Roi Lear, fait ses premiers pas sur une scène lyrique et a choisi la version originale inédite de l’œuvre créée à Berlin en 1928, plus resserrée et d’esprit plus anarchiste que celle habituellement donnée. Le jeune Maxime Pascal, ancien artiste de l’Académie d’Aix, dirigera les comédiens aguerris à la pratique musicale, et son ensemble, Le Balcon, dans une partition pleine de gouaille entre jazz, chanson populaire et parodie.

Cinq autres nouvelles productions d’œuvres lyriques mises en scène suivront. Après le triomphe de Written on Skin en 2012, George Benjamin offre au Festival d’Aix une nouvelle création mondiale : Picture a Day like this (à partir du 5 juillet au Théâtre du Jeu de Paume), œuvre de plus petit format (environ une heure) conçue avec le dramaturge Martin Crimp. Le livret en forme de conte emprunte à divers récits populaires, partagés par plusieurs cultures sous des nuances variées. Le compositeur dirigera pour cette création le Mahler Chamber Orchestra, fondé par Claudio Abbado à Aix en 1997, et cinq interprètes (dont Marianne Crebassa) se partageront l’ensemble des rôles.

Il faudra attendre le 6 juillet pour qu’apparaisse la seule (et unique) œuvre de Mozart au programme de cette édition : Così fan tutte, rescapée de l’édition 2020 annulée par la pandémie. Le dramma giocoso, qui fut au programme du tout premier festival, en 1948, sera mis en scène au Théâtre de l’Archevêché par Dmitri Tcherniakov, spécialiste des jeux de rôles, et dirigé par Thomas Hengelbrock, à la tête de son ensemble l’Orchestre Balthasar Neumann et les chanteurs de son Académie.

Autre rescapé de 2020, Wozzeck d’Alban Berg, suivra à partir du 7 juillet au Grand Théâtre de Provence. Bien connu des festivaliers, Sir Simon Rattle (qui y dirigea entre autres le Ring de Wagner de 2006 à 2009) mènera le London Symphony Orchestra dans un spectacle mis en scène par un autre habitué du festival, Simon McBurney, qui annonce une production « en forme d’expérience mentale ». Avec dans le rôle-titre, le baryton allemand Christian Gerhaher qui l’a interprété moult fois.

Hors les murs, le Stadium de Vitrolles, bâtiment brutaliste réhabilité l’an dernier, qui fit beaucoup parler de lui avec la Symphonie dite Résurrection de Gustav Mahler mise en scène par Romeo Castellucci, reprend du service pour quatre soirées à partir du 8 juillet avec une production intitulée Ballets russes. Il s’agit de faire dialoguer musiques de ballet de Stravinsky et créations vidéo. Trois cinéastes, Rebecca Zlotowski, Bertrand Mandico et Evangelia Kranioti, ont planché sur L’Oiseau de feu, Petrouchka et Le Sacre du printemps. Sur la scène, l’Orchestre de Paris dirigé par Klaus Mäkelä ne sera pas cette fois sonorisé, promet l’organisateur.

Dernière œuvre lyrique à entrer en scène, les 8 et 9 juillet, au Pavillon noir du ballet Preljocaj, The Faggots and their Friends between Revolutions s’annonce comme un opéra « barockqueer » sur un texte de Ted Huffman (qui signe aussi la mise en scène) et Philip Venables, d’après le roman éponyme de Larry Mitchell. À la croisée de genres aussi différents que l’opéra, le ballet, le théâtre musical, la revue, le cabaret, sous la direction musicale de la pianiste, compositrice, arrangeuse et cheffe Yshani Perinpanayagam, la création sera servie par quatorze interprètes interdisciplinaires « sur un mode amplifié », prévient le programme.

Autres œuvres lyriques mais cette fois en version de concert, au Grand Théâtre de Provence : Le Prophète de Giacomo Meyerbeer, « grand opéra » à la française par le London Symphony Orchestra sous la direction de Sir Mark Elder ; Otello de Verdi, avec un trio de solistes hors pair : Jonas Kaufmann (qui fait sa première apparition à Aix), Maria Agresta et Ludovic Tézier ; et Lucie de Lammermoor de Donizetti, dans sa version française (1839) donnée par le Chœur et Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par son chef Daniele Rustioni.

Une quinzaine de concerts et récitals enrichissent le programme avec entre autres artistes à l’honneur : les compositeurs George Benjamin et Betsy Jonas, le baryton Christian Gerhaher, la soprano Pretty Yende, le pianiste Kirill Gerstein. Et un anniversaire : celui de György Ligeti (disparu en 2006) dont on célèbre le centenaire de la naissance, lors de deux soirées chambristes (les 5 et 19 juillet).

Le programme ne serait pas complet sans le jazz (la saxophoniste alto Lakecia Benjamin), les musiques du monde, dont le trio tunisien les Gharbi Twins, et l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée en clôture du Festival le 23 juillet.

Illustration : Christian Gerhaher sera Wozzeck cet été à Aix-en-Provence (photo Sony)

Festival d’Aix-en-Provence, du 4 au 24 juillet 2023. Ouverture de la billetterie : le mercredi 25 janvier 2023 à 10h pour les abonnements (à partir de 3 spectacles dont au moins 2 opéras) et le mercredi 1er février 2023 à 10h pour les places à l’unité, https://festival-aix.com/fr

A propos de l'auteur
Noël Tinazzi
Noël Tinazzi

Après des études classiques de lettres (hypokhâgne et khâgne, licence) en ma bonne ville natale de Nancy, j’ai bifurqué vers le journalisme. Non sans avoir pris goût au spectacle vivant au Festival du théâtre universitaire, aux grandes heures de sa...

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